Actualités jurisprudentielles et légales_ Trimestre 3 2022
DROIT DU TRAVAIL ET DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Edito
Le 3ème trimestre de l’année 2022 a été l’occasion de précisions importantes notamment en termes de licenciement pour motif économique ou de licenciement d’un salarié protégé. En outre, des avancées législatives importantes ont été mises en œuvre au titre de la prime de partage des valeurs mais également du rachat de JRTT.
SOCOS Avocats décrypte pour vous les actualités légales et jurisprudentielles du trimestre.
Actualités jurisprudentielles
1. DROIT DISCIPLINAIRE ET LICENCIEMENT
Les contrats d’insertion sont pris en compte dans le cadre de l’application des critères d’ordre (Cass. soc. 12 juil. 2022, n°20-23651)
« Vu les articles L. 1233-5 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, et L. 1233-7 du même code :
10. Il résulte de ces textes que, lorsque l’employeur procède à un licenciement individuel pour motif économique, il prend notamment en compte, dans le choix du salarié concerné, le critère tenant à la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés.
11. Pour débouter le salarié de sa demande pour non-respect des dispositions relatives aux critères d’ordre des licenciements, l’arrêt retient que l’employeur n’était pas tenu de prendre en compte la situation particulière de l’intéressé alors qu’il avait été engagé dans le cadre d’un contrat d’insertion revenu minimum d’activité, qui ne correspond pas à une situation de handicap.
12. En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que le salarié licencié avait été engagé dans le cadre d’un contrat d’insertion revenu minimum d’activité, dispositif ayant pour objet de faciliter l’insertion sociale et professionnelle des personnes rencontrant des difficultés particulières d’accès à l’emploi, situation qui constitue l’un des critères mentionnés à l’article L. 1233-5 du code du travail, la cour d’appel a violé les textes susvisés.”
RAPPEL : Dans le cadre d’un licenciement pour motif économique, l’employeur doit appliquer des critères d’ordre permettant de déterminer l’ordre à respecter dans le choix du ou des salariés concernés par le licenciement.
Ainsi, à défaut d’accord fixant ces critères, l’employeur doit appliquer les critères légaux prévus à l’article L. 1233-5 du Code du travail. Dans ce cadre, l’employeur peut décider de pondérer différemment chaque critère sous réserve qu’il tienne compte de l’ensemble des critères légaux.
FAITS : Un salarié a été licencié pour motif économique après application des critères d’ordre. Il conteste toutefois les modalités d’application de ces critères. Plus spécifiquement, il soutenait que l’employeur n’avait pas tenu compte du critère selon lequel doivent être prises en compte les caractéristiques sociales rendant la réinsertion professionnelle du salarié particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés.
En effet, le salarié avait été embauché dans le cadre d’un contrat d’insertion revenu minimum d’activité et estimait donc qu’il devait être tenu compte de cette situation.
APPORT : La Cour de cassation juge que le contrat d’insertion revenu minimum d’activité a pour objet de faciliter l’insertion sociale et professionnelle des personnes rencontrant des difficultés particulières d’accès à l’emploi. De ce fait, il doit être pris en compte dans les critères d’ordre mentionnés à l’article L. 1233-5 du Code du travail.
L’employeur validant les méthodes managériales d’un salarié ne peut pas les lui reprocher par la suite (Cass. soc. 12 juil. 2022, n° 20-22857)
APPORT : Lorsque l’employeur a cautionné durant une certaine période les méthodes managériales inadaptées de l’un de ses salariés, il ne peut ensuite motiver le licenciement pour faute grave de ce dernier par lesdites méthodes.
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Licenciement économique en cas d’absence d’indicateurs relatifs à la baisse du CA ou des commandes (Cass. soc. 21 sept. 2022, n°20-18511)
“Vu l’article L. 1233-3, 1°, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
5. Aux termes de ce texte, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus.
6. Il en résulte que si la réalité de l’indicateur économique relatif à la baisse du chiffre d’affaires ou des commandes au cours de la période de référence précédant le licenciement n’est pas établie, il appartient au juge, au vu de l’ensemble des éléments versés au dossier, de rechercher si les difficultés économiques sont caractérisées par l’évolution significative d’au moins un des autres indicateurs économiques énumérés par ce texte, tel que des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, ou tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
7. Pour dire que le motif économique du licenciement du salarié n’est pas avéré et que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, l’arrêt retient que la société se réfère pour preuve de ses difficultés aux bilans qu’elle produit des années 2013, 2014, 2015 et 2016 et ne justifie pas de sa situation à la date du licenciement autrement qu’en évoquant des résultats prévisionnels, en tout cas n’apporte pas la preuve de la baisse sur trois trimestres consécutifs courant 2016/1er trimestre 2017 des commandes et/ou du chiffre d’affaires.
8. En se déterminant ainsi, quand l’employeur invoquait également des capitaux propres inférieurs à la moitié du capital social et un niveau d’endettement s’élevant à 7,5 millions d’euros à fin décembre 2016, sans rechercher si ce dernier ne justifiait pas de difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un des autres indicateurs économiques énumérés au 1° de l’article L. 1233-3 du code du travail, soit par tout autre élément de nature à les justifier, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.”
RAPPEL : L’article L. 1233-3 du Code du travail fait mention des critères devant être pris en compte pour justifier le licenciement pour motif économique. A ce titre, il est notamment prévu que le licenciement pour motif économique peut être justifié par des difficultés économiques caractérisées :
- soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation,
- soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
FAITS : La société a procédé au licenciement de l’un de ses salariés suite à des difficultés économiques au mois de février 2017.
Le salarié conteste le bien-fondé de son licenciement et la société produit, pour justifier les difficultés économiques, son bilan sur plusieurs années démontrant la progression, chaque année, des pertes.
La Cour d’Appel juge à ce titre que les difficultés économiques ne sont pas justifiées conformément à l’article L. 1233-3 du Code du travail puisqu’il n’est pas apporté la preuve d’une baisse sur 3 trimestres consécutifs courant 2016/1er trimestre 2017 des commandes et/ou du chiffre d’affaires.
APPORT : La Cour de cassation juge que si l’employeur ne prouve pas la réalité de l’indicateur économique mentionné par le Code du travail au cours de la période de référence précédant le licenciement, il convient de vérifier si les difficultés économiques sont, malgré tout, démontrées par :
- des pertes d’exploitation,
- ou une dégradation de la trésorerie,
- ou une dégradation de l’excédent brut d’exploitation,
- ou par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
2. DUREE DU TRAVAIL
Inopposabilité du forfait annuel en heures : conséquences (Cass. soc. 6 juillet 2022, n°21-10627)
APPORT : Si la convention de forfait annuel en heures est nulle (ou inopposable au salarié), le salarié est considéré comme soumis à une durée hebdomadaire de 35 heures de travail. Il bénéficie dans ce cadre des du paiement des heures supplémentaires décomptées chaque semaine.
Toutefois, l’employeur peut invoquer les jours de repos dont a bénéficié le salarié dans le cadre de son forfait pour compenser les heures accomplies au-delà de 35 heures hebdomadaires.
Ainsi, seule la majoration pour heure supplémentaire est donc effectivement due au salarié et non le paiement de l’heure de travail + la majoration pour heure supplémentaire.
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3. RELATIONS COLLECTIVES
Licenciement du salarié protégé déclaré inapte et recours à l’intérim par l’employeur (CE 19 juillet 2022, n°438076)
“3. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés qui bénéficient d’une protection exceptionnelle dans l’intérêt de l’ensemble des travailleurs qu’ils représentent ne peut intervenir que sur autorisation de l’inspecteur du travail. Lorsque le licenciement de l’un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l’appartenance syndicale de l’intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement d’un salarié protégé est motivée par l’inaptitude physique, il appartient à l’administration de s’assurer, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, que l’employeur a, conformément aux dispositions de l’article L. 1226-10 du code du travail, cherché à reclasser le salarié sur d’autres postes appropriés à ses capacités, le cas échéant par la mise en œuvre, dans l’entreprise, de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. Le licenciement ne peut être autorisé que dans le cas où l’employeur n’a pu reclasser le salarié dans un emploi approprié à ses capacités au terme d’une recherche sérieuse, menée tant au sein de l’entreprise que dans les entreprises dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d’y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel. Lorsqu’après son constat d’inaptitude, le médecin du travail apporte des précisions quant aux possibilités de reclassement du salarié, ses préconisations peuvent, s’il y a lieu, être prises en compte pour apprécier le caractère sérieux de la recherche de reclassement de l’employeur.
(…)
5. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu’il incombe à l’employeur qui envisage de licencier pour inaptitude un salarié bénéficiant d’une protection de procéder, préalablement à son licenciement, à une recherche sérieuse des postes disponibles, quelle que soit la durée des contrats susceptibles d’être proposés pour pourvoir ces postes, et appropriés à ses capacités, en vue de chercher à le reclasser et à éviter autant que de possible son licenciement. Dans l’hypothèse où l’employeur recourt, en application des dispositions citées au point 4, au travail temporaire dans des conditions telles qu’elles révèlent l’existence d’un ou plusieurs postes disponibles dans l’entreprise, peu important qu’ils soient susceptibles de faire l’objet de contrats à durée indéterminée ou déterminée, il lui appartient de proposer ces postes au salarié, pour autant qu’ils soient appropriés à ses capacités.
6. Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que la cour administrative d’appel a relevé, au terme d’une appréciation souveraine des faits de l’espèce exempte de dénaturation, que les contrats de mise à disposition de salariés intérimaires auprès de la société United Biscuits Industries étaient conclus pour des durées très courtes, de deux à trois jours, afin de pallier des absences ponctuelles de salariés ou de faire face à des pointes saisonnières d’activité et présentaient un caractère aléatoire. En en déduisant que M. B… n’était pas fondé à soutenir que les modalités du recours au travail temporaire au sein de l’entreprise révélaient que des postes y seraient, en réalité, disponibles et auraient dû lui être proposés en vue de son reclassement, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, n’a pas commis d’erreur de droit.
(…)
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B… n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêt qu’il attaque.”
RAPPEL : Avant de procéder au licenciement pour inaptitude du salarié (protégé ou non), l’employeur doit procéder à une recherche sérieuse et loyale de reclassement.
Ainsi, l’employeur doit proposer au salarié un emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à son emploi précédent. Ainsi, l’employeur doit notamment mettre en œuvre des mesures de mutation ou de transformation de postes ainsi que d’aménagement du temps de travail.
FAITS : Ensuite d’une déclaration d’inaptitude, un salarié est licencié après autorisation de l’Inspecteur du travail.
Le salarié effectue un recours contre cette décision d’autorisation en soutenant que le recours au travail temporaire par son employeur démontrait que des postes étaient disponibles au sein de l’entreprise et, par suite, que des postes auraient pu lui être proposés à titre de reclassement.
APPORT : Le Conseil d’Etat juge que le recours par l’employeur à des travailleurs temporaires peut révéler l’existence de postes de reclassement disponibles pour le salarié. Toutefois, si les missions d’intérim proposées sont très courtes (2 à 3 jours en l’espèce), ponctuelles et aléatoires alors ces missions ne correspondent pas à des postes disponibles devant être proposés au salarié inapte.
L’ordre du jour de la réunion du CSEC peut être modifié le jour même de la réunion sous réserve d’être validé par les membres présents à l’unanimité (Cass. crim. 13 sept. 2022, n° 21-83914)
“12. Pour écarter l’exception d’irrecevabilité de la constitution de partie civile du comité central d’entreprise, prise de l’irrégularité de la délibération autorisant le secrétaire de ce comité à agir en justice du chef d’entrave, l’arrêt attaqué relève notamment qu’il résulte des pièces produites que, lors de la réunion du comité central d’entreprise du 1er octobre 2015, son secrétaire, M. [N], est intervenu en début de séance pour solliciter l’ajout d’un point à l’ordre du jour ainsi intitulé : « vote d’un mandat au secrétaire du CCE pour ester en justice pour entrave ».
13. En l’état de ces seules énonciations, la cour d’appel a justifié sa décision.
14. En effet, si l’article L. 2327-14 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, prévoyait que l’ordre du jour du comité central d’entreprise est communiqué aux membres huit jours au moins avant la séance, ce délai était édicté dans leur intérêt afin de leur permettre d’examiner les questions à l’ordre du jour et d’y réfléchir.
15. Or, il résulte du procès-verbal du comité du 1er octobre 2015, dont la Cour de cassation a le contrôle, que la modification de l’ordre du jour a été adoptée à l’unanimité des membres présents, de sorte qu’il en résulte que ces derniers ont accepté, sans objection, de discuter de la question du mandat, manifestant ainsi avoir été avisés en temps utile.
16. Le moyen ne peut dès lors être accueilli.”
RAPPEL : Le Code du travail prévoyait à l’article L. 2327-14 que l’ordre du jour devait être communiqué aux membres du Comité central d’entreprise (CCE) 8 jours au moins avant la séance.
FAITS : Dans le cadre d’une action menée par le CCE au titre d’un délit d’entrave, la société soulève l’irrecevabilité de la constitution du CCE en tant que partie civile.
Plus spécifiquement, la société indique que le CCE avait donné mandat à son secrétaire pour poursuivre la société par une délibération qui n’avait pas été inscrite préalablement à l’ordre du jour de la réunion.
De ce fait, selon la société, les membres titulaires du CCE absents de cette réunion n’avaient pas pu faire part de leurs avis.
APPORT : La Cour de cassation juge que le délai fixé pour établir l’ordre du jour d’une réunion est édicté dans l’intérêt des membres du CCE.
De ce fait, ces derniers peuvent, à l’unanimité des membres présents, choisir de modifier, au cours de la réunion, l’ordre du jour sans, par suite, respecter le délai d’établissement de l’ordre du jour.
Compte tenu de cet arrêt, une modification de l’ordre du jour serait désormais possible lors de la réunion de l’instance sous réserve de l’acceptation à l’unanimité des membres présents.
Attention toutefois, cette position émane de la Chambre criminelle de la Cour de cassation. Une décision en ce sens de la Chambre sociale est nécessaire pour confirmer cette position.
La répartition du personnel et des sièges entre les collèges électoraux par la Dreets est subordonnée à une négociation préalable et loyale du protocole préélectoral (Cass. soc. 12 juil. 2022, n°21-11420)
“5. Aux termes de l’article L. 2314-13, alinéas 1 et 3, du code du travail, la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel et la répartition du personnel dans les collèges électoraux font l’objet d’un accord entre l’employeur et les organisations syndicales conclu selon les conditions de l’article L. 2314-6. Lorsque au moins une organisation syndicale a répondu à l’invitation à négocier de l’employeur et que l’accord mentionné au premier alinéa du présent article ne peut être obtenu, l’autorité administrative décide de cette répartition entre les collèges électoraux. Pour ce faire, elle se conforme soit aux modalités de répartition prévues par l’accord mentionné à l’article L. 2314-12, soit, à défaut d’accord, à celles prévues à l’article L. 2314-11.
6. Il en résulte que ce n’est que lorsque, à l’issue d’une tentative loyale de négociation, un accord préélectoral n’a pu être conclu que l’autorité administrative peut décider de la répartition des sièges et du personnel entre les collèges électoraux.
7. Ayant relevé que des éléments déterminants tels que les effectifs par site et la classification professionnelle des salariés n’ont pas été communiqués aux organisations syndicales invitées à négocier le protocole d’accord préélectoral malgré les demandes formulées à plusieurs reprises par ces dernières, que des informations essentielles relatives aux effectifs n’ont été actualisées que l’avant veille de la dernière réunion de négociation, que la question de la répartition du personnel n’a été abordée pour la première fois que lors de cette réunion au cours de laquelle les sociétés composant l’UES ont refusé aux organisations syndicales un accès aux registres uniques du personnel autrement que par entité et sur le site de chacune d’elle en indiquant que le fichier des effectifs communiqué était suffisant, que la direction a mis fin de manière unilatérale à la négociation au motif que la même réunion devait être la dernière, demandant aux organisations syndicales de se positionner sur le projet de protocole d’accord préélectoral communiqué l’avant veille et sans que celles-ci n’aient été en mesure de contrôler les effectifs, le tribunal a pu retenir que les sociétés composant l’UES avaient manqué à leur obligation de loyauté dans la négociation du protocole d’accord préélectoral, ce dont il a exactement déduit que le Direccte ne pouvait décider de la répartition des sièges et du personnel entre les collèges électoraux.
8. Le moyen n’est donc pas fondé.”
RAPPEL : La répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel et la répartition du personnel dans les collèges électoraux font l’objet d’un accord entre l’employeur et les organisations syndicales dans le cadre du protocole d’accord préélectoral (C. trav. L. 2314-13).
Ainsi, l’employeur doit avoir invité les syndicats intéressés à la négociation du protocole préélectoral (C. trav. L. 2314-5).
Lorsque au moins une organisation syndicale a répondu à l’invitation de négocier de l’employeur mais qu’un accord n’est pas identifié sur le protocole d’accord préélectoral, alors l’autorité administrative décide de cette répartition entre les collèges électoraux (C. trav. L. 2314-13 précité).
FAITS : Une Unité Économique et Sociale (UES) avait organisé des élections professionnelles. Dans ce cadre, après échec des négociations avec les organisations syndicales d’un protocole d’accord préélectoral, elle avait sollicité la DIRECCTE afin que soit réparti les sièges ainsi que le personnel entre les collèges électoraux.
Or, la DIRECCTE a rejeté cette demande en énonçant que faute pour l’employeur d’avoir respecté son obligation de loyauté dans la négociation du protocole d’accord préélectoral, elle ne pouvait arbitrer et se devait de renvoyer les parties à négocier.
Après saisine du Tribunal Judiciaire en contestation de cette décision, ce dernier retient également que les sociétés composant l’UES avaient manqué à leur obligation de loyauté dans la négociation du protocole d’accord préélectoral. Ainsi, il en a déduit que le DIRECCTE ne pouvait décider de la répartition des sièges et du personnel entre les collèges électoraux.
APPORT : La Cour de cassation confirme le jugement du Tribunal Judiciaire en indiquant que les négociations menées entre l’UES et les organisations syndicales n’ont pas été loyales notamment pour les raisons suivantes :
- des éléments déterminants tels que les effectifs par site et la classification professionnelle des salariés n’ont pas été communiqués aux organisations syndicales,
- des informations essentielles relatives aux effectifs n’ont été actualisées que l’avant veille de la dernière réunion de négociation,
- la question de la répartition du personnel n’a été abordée pour la première fois uniquement lors de la dernière réunion au cours de laquelle les sociétés composant l’UES ont refusé aux organisations syndicales un accès aux registres uniques du personnel,
- la Direction a mis fin de manière unilatérale à la négociation au motif qu’il s’agissait de la dernière réunion, demandant aux organisations syndicales de se positionner sur le projet de protocole d’accord préélectoral communiqué l’avant veille et sans que celles-ci n’aient été en mesure de contrôler les effectifs.
Ainsi, dès lors que l’UES avait manqué à son obligation de loyauté dans la négociation du protocole d’accord préélectoral, la DIRECCTE ne pouvait décider de la répartition des sièges et du personnel entre les collèges électoraux.
Violation du statut protecteur et conséquence en matière de congés payés de la non-réintégration du salarié (Cass. soc. 21 sept. 2022, n°21-13552)
“Vu les articles L. 2411-1, L. 2411-2 et L. 2411-6 du code du travail et l’article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail :
16. Il résulte des articles L. 2411-1, L. 2411-2 et L. 2411-6 du code du travail que le licenciement d’un salarié protégé, sans autorisation administrative de licenciement ou malgré refus d’autorisation de licenciement, ouvre droit à ce dernier à une indemnité pour violation du statut protecteur.
17. Selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation (Soc., 25 novembre 1997, pourvoi n° 94-43.651, Bull. 1997, V, n° 405), la sanction de la méconnaissance par l’employeur du statut protecteur d’un représentant du personnel, illégalement licencié et qui ne demande pas sa réintégration, est la rémunération que le salarié aurait perçue jusqu’à la fin de la période de protection en cours et non la réparation du préjudice réellement subi par le salarié protégé pendant cette période. Cette indemnité est due quand bien même le salarié a retrouvé un emploi durant la période en cause.
18. De même, l’indemnité due au titre de la violation du statut protecteur est une indemnité forfaitaire, de sorte que le salarié qui ne demande pas sa réintégration ne peut prétendre au paiement des congés payés afférents (Soc., 30 juin 2016, pourvoi n° 15-12.984 ; Soc., 21 novembre 2018, pourvoi n° 17-15.874 ; Soc., 21 novembre 2018, pourvoi n° 17-11.653).
(…)
24. Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation (Soc., 14 novembre 2018, pourvoi n° 17-14.932, publié), pour percevoir sa pension de retraite, le salarié doit rompre tout lien professionnel avec son employeur. Il en résulte que le salarié dont le contrat a été rompu par l’employeur et qui a fait valoir ses droits à la retraite ne peut ultérieurement solliciter sa réintégration dans son emploi ou dans un emploi équivalent. Dans ce cas, le salarié qui a fait valoir ses droits à la retraite, rendant ainsi impossible sa réintégration, a droit au titre de la violation du statut protecteur à la rémunération qu’il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu’à celle de son départ à la retraite (Soc., 13 février 2019, pourvoi n° 16-25.764 publié).
(…)
27. Il en résulte que, lorsque le salarié protégé, dont le licenciement est nul en l’absence d’autorisation administrative de licenciement et qui a demandé sa réintégration, a fait valoir, ultérieurement, ses droits à la retraite, rendant ainsi impossible sa réintégration dans l’entreprise, l’indemnité due au titre de la violation du statut protecteur ouvre droit au paiement, au titre des congés payés afférents, à une indemnité compensatrice de congés payés. Dans l’hypothèse où le salarié a occupé un autre emploi au cours de la période comprise entre la date du licenciement illégal et celle de son départ à la retraite, il ne saurait toutefois prétendre, à l’égard de son premier employeur, aux droits au congé annuel correspondant à la période pendant laquelle il a occupé un autre emploi.
28. Après avoir fixé l’indemnité pour violation du statut protecteur due au salarié au montant de la rémunération dont ce dernier a été privé entre son éviction de l’entreprise et son départ à la retraite le 30 juin 2019, l’arrêt retient que cette indemnité n’ouvre pas droit à congés payés.
29. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés.”
RAPPEL : Le licenciement d’un salarié protégé doit avoir été autorisé par l’Inspecteur du travail. A défaut, le licenciement est nul (C. trav. L. 1235-3-1).
Dans ce cadre, le salarié peut alors solliciter :
- soit sa réintégration : le salarié peut alors prétendre aux salaires perdus entre la date de son éviction et celle de sa réintégration (Cass. soc. 10 déc. 1997, n°94-45254). Toutefois, si le salarié demande sa réintégration après l’expiration de sa période de protection pour des raisons qui ne lui sont pas imputables et qu’il a fait valoir ses droits à la retraite, rendant ainsi impossible sa réintégration, il a droit à la rémunération qu’il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu’à celle de son départ à la retraite (Cass. soc. 13 fév. 2019, n°16-25764),
- soit son indemnisation : le salarié peut bénéficier d’une indemnité en plus de l’indemnisation de la nullité de son licenciement. Le montant de cette indemnité correspond au salaire qui aurait dû être perçu par le salarié entre la date de son éviction et celle de l’expiration de sa période de protection, dans la limite de 30 mois de salaire. Dans cette hypothèse, le salarié bénéficie de cette indemnité même s’il est parti en retraite avant l’expiration de sa période de protection (Cass. soc. 25 sept. 2019, n°18-15952).
FAITS : Un salarié, ayant sollicité l’organisation d’élections professionnelles et ayant informé son employeur de sa candidature, est licencié sans autorisation de l’Inspecteur du travail.
Le salarié obtient la nullité de son licenciement mais forme un pourvoi en cassation ayant été débouté de sa demande en paiement des congés payés pour la période comprise entre la date du licenciement et la date de son départ à la retraite.
APPORT : La Cour de cassation rappelle que lorsque le salarié sollicite sa réintégration puis part à la retraite, il bénéficie de l’indemnité due au titre de la violation du statut protecteur ainsi qu’au paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés.
La Cour juge toutefois que si le salarié a occupé un autre emploi au cours de la période comprise entre son licenciement illicite et son départ à la retraite, il ne peut alors prétendre à ses congés payés pour cette période.
Actualités légales et réglementaires
Loi « pouvoir d’achat » du 16 août 2022 n°2022-1158 relatif à la prime de partage de la valeur, l’épargne salarial, heures supplémentaires…
Cette loi a de nombreuses répercussions en droit social et notamment :
- la pérennisation de la prime de prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA) désormais dénommée la prime de partage de la valeur (PPV),
- l’élargissement des possibilités de mise en place unilatérale de l’intéressement aux entreprise de moins de 50 salariés,
- l’ajout de cas de déblocage exceptionnel de l’intéressement et de la participation notamment pour financer l’achat d’un ou plusieurs biens ou prestations de services,
- une déduction forfaitaire des cotisations patronales pour certaines entreprises sur les heures supplémentaires.
Pour retrouver en détail notre décryptage de cette loi c’est ici
Les précisions du Ministère du travail sur les cas de déblocages exceptionnels de l’épargne salariale prévus par la loi « pouvoir d’achat » du 16 août 2022 n°2022-1158
La loi “pouvoir d’achat” du 16 août dernier a prévu des cas de déblocages exceptionnels de l’épargne salariale.
Dans le cadre d’un Questions/Réponses en date du 13 septembre dernier, le Ministère du travail est venu apporter des précisions sur le dispositif mis en place par la loi “pouvoir d’achat” du 16 août 2022.
Retrouvez ces précisions dans notre article dédié ici
Loi de finances rectificative pour 2022 du 16 août 2022 n°2022-1157 relatif notamment au rachat des JRTT
La loi de finance rectificative a notamment prévu un dispositif de rachat des JRTT.
Ainsi, les salariés peuvent désormais solliciter la rachat de leurs jours de RTT par leur employeur. En cas d’accord de ces derniers, le salarié perçoit alors une majoration de salaire au moins égale au taux de majoration de la première heure supplémentaire applicable dans l’entreprise.
Par ailleurs, ce dispositif permet aux salariés et aux employeurs de bénéficier du régime social de faveur des heures supplémentaires.
Pour retrouver en détail notre décryptage de cette loi c’est ici
Mise à jour du Règlement Intérieur à la suite de la Loi du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte n° 2022-401
Comme indiqué dans le cadre de notre vidéo sur la Loi santé au travail et ses décrets d’application, les entreprises doivent, depuis le 1er septembre 2022, rappeler dans le cadre du Règlement Intérieur l’existence d’un dispositif de protection des lanceurs d’alerte (C. trav. L. 1321-2).
Pour ce faire, les employeurs concernés doivent suivre les étapes relatives à toute modification du Règlement Intérieur, à savoir :
- solliciter l’avis du CSE sur cette modification (C. trav. L. 1321-4),
- transmettre le Règlement Intérieur en double exemplaire à l’inspecteur du travail, accompagné de l’avis du CSE (C. trav. L. 1321-4 précité),
- déposer le Règlement au greffe du Conseil des Prud’hommes du ressort de l’entreprise ou de l’établissement (C. trav. R. 1321-2),
- informer les salariés par tous moyens du règlement intérieur modifié (C. trav. R. 1321-1).
Les modalités du forfait mobilité durable précisé par une Foire aux Questions (FAQ)
La loi du 24 décembre 2019 (loi d’orientation des mobilités) a créé le dispositif facultatif du forfait mobilité durable (FMD).
L’objectif de ce forfait étant de favoriser l’utilisation de modes de transport du quotidien « plus propres » des salariés pour leurs déplacements entre le lieu de résidence et le lieu de travail, via une incitation financière.
Les modalités de ce forfait ont fait l’objet d’une Foire aux questions par le Ministère de la Transition Écologique, le 15 septembre 2022.
Pour en savoir plus sur ce forfait et les précisions qui ont été apportées par le Ministère sur ce point, retrouvez notre article à ce sujet ici.
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