Actualités jurisprudentielles et légales_ Trimestre 1 2023
DROIT DU TRAVAIL ET DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Edito
Le 1er trimestre de l’année 2023 a été l’objet de précisions importantes notamment en termes d’inaptitude et de CDD.
SOCOS Avocats décrypte pour vous les actualités légales et jurisprudentielles du trimestre.
Actualités jurisprudentielles
1. RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL
INAPTITUDE : Un salarié ne peut être licencié pour un autre motif s’il est déclaré inapte durant la procédure de licenciement (Cass. soc. 8 février 2023, n°21-16258)
“Vu les articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1 du code du travail, dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
9. Selon le premier de ces textes, lorsque le salarié victime d’une maladie ou d’un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l’article L. 4624-4, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.
10. Selon le second, l’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
11. Il en résulte que ces dispositions d’ordre public font obstacle à ce que l’employeur prononce un licenciement pour un motif autre que l’inaptitude, peu important que l’employeur ait engagé antérieurement une procédure de licenciement pour une autre cause.
12. Pour débouter le salarié de ses demandes indemnitaires et salariales au titre de la mise à pied conservatoire et de la rupture du contrat de travail, l’arrêt retient que la circonstance que l’inaptitude définitive du salarié à occuper son emploi ait été constatée par le médecin du travail le 6 février 2017, ne privait pas la société de se prévaloir d’une faute lourde de son salarié au soutien du licenciement qu’elle a estimé devoir prononcer à l’issue de la procédure disciplinaire qu’elle avait initiée le 24 janvier précédent.
13. En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que le salarié, déclaré inapte, avait été licencié pour un motif autre que l’inaptitude, la cour d’appel a violé les textes susvisés.“
RAPPEL : Lorsqu’un salarié victime d’un accident ou une maladie non professionnelle est déclaré inapte par le Médecin du travail, l’employeur ne peut rompre le contrat de travail du salarié que s’il justifie (article L. 1226-2-1 du Code du travail) :
- soit de l’impossibilité de le reclasser,
- soit du refus du salarié du poste proposé,
- soit de la de la mention expresse du médecin du travail que tout maintien dans l’emploi serait préjudiciable à sa santé ou que la santé du salarié fait obstacle à tout reclassement.
FAITS : Un salarié a été convoqué à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement disciplinaire, alors même qu’il était en arrêt de travail. Antérieurement à cet entretien, le salarié est déclaré inapte par le Médecin du travail au cours d’une visite de reprise.
L’employeur poursuit la procédure disciplinaire et notifie au salarié son licenciement pour faute.
APPORT : La Cour d’appel a jugé que la procédure disciplinaire ayant été initiée avant l’avis d’inaptitude, l’employeur pouvait poursuivre la procédure disciplinaire.
La Cour de cassation infirme cette décision en jugeant que les articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1 du Code du travail sont d’ordre public.
De ce fait, l’employeur ne peut prononcer un licenciement pour un motif autre que l’inaptitude, peu important que la procédure ait été engagée antérieurement à l’avis d’inaptitude.
Cette solution de la Cour de cassation, bien que retenue dans le cadre d’une inaptitude d’origine non professionnelle, serait également applicable en cas d’inaptitude d’origine professionnelle.
INAPTITUDE : La dispense de recherche de reclassement s’applique à l’impossibilité de maintenir le salarié dans “l’emploi” et non dans “l’entreprise” (Cass. soc. 8 février 2023, n°21-11356)
“9. L’arrêt constate que le médecin du travail a mentionné que l’état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans cette entreprise et relève l’existence d’un groupe de reclassement constitué du comité social et économique et de la société Bio Springer.
10. La cour d’appel en a exactement déduit, hors dénaturation et sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que l’employeur n’était pas dispensé de rechercher un reclassement au sein de la société Bio Springer et avait ainsi manqué à son obligation de reclassement.”
RAPPEL : Lorsque le salarié est déclaré inapte par le Médecin du travail suite à un accident ou une maladie d’origine professionnelle, l’employeur doit tenter de le reclasser au sein de la société ou des sociétés du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel (article L. 1226-10 du Code du travail).
L’employeur est toutefois dispensé de cette recherche de reclassement si le Médecin du travail mentionne que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi (article L. 1226-12 du Code du travail)
FAITS : Une salariée est déclarée inapte à la suite d’un arrêt de travail pour accident du travail.
Dans son avis, le Médecin du travail indique que « l’état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans cette entreprise ».
L’employeur, considérant être dispensé de recherches de reclassement, a licencié la salariée.
La salariée conteste son licenciement en estimant que l’avis du Médecin du travail ne dispensait pas l’employeur de sa recherche de reclassement.
APPORT : La Cour de cassation rappelle que l’avis d’inaptitude du Médecin du travail faisait mention de l’impossibilité de reclassement du salarié dans l’entreprise, de sorte qu’il ne correspondait pas au cas de dispense de reclassement relatif à l’impossibilité de reclassement dans un emploi.
La salariée aurait ainsi pu être reclassée au sein du Groupe, de sorte que des recherches auraient dû être réalisées.
INAPTITUDE : Lorsque l’avis du Médecin du travail fait référence à un reclassement en télétravail, l’employeur doit respecter cette préconisation si l’emploi est télétravaillable (Cass. soc. 29 mars 2023, n°21-15472)
“7. L’article L. 1226-12 du même code dispose que lorsque l’employeur est dans l’impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent au reclassement.
L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions.
8. Il appartient à l’employeur de proposer au salarié, loyalement, en tenant compte des préconisations et indications du médecin du travail, un autre emploi approprié à ses capacités, aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.
9. L’arrêt relève que le médecin du travail était parfaitement clair dans l’avis d’inaptitude du 17 février 2016 sur les dispositions à mettre en oeuvre de nature à permettre à la salariée de conserver son emploi en précisant qu’elle pourrait occuper un poste administratif, sans déplacement, à temps partiel, en télétravail à son domicile avec aménagement de poste approprié et en confirmant cet avis le 7 juin 2016 en réponse aux questions de l’employeur.
10. L’arrêt retient encore que la salariée occupait en dernier lieu un poste de « coordinateur », que les missions accomplies et non contestées par l’employeur, d’une part ne supposaient pas l’accès aux dossiers médicaux et, d’autre part, étaient susceptibles d’être pour l’essentiel réalisées à domicile en télétravail et à temps partiel comme préconisé par le médecin du travail.
11. En l’état de ces constatations, dont elle a déduit que l’employeur n’avait pas loyalement exécuté son obligation de reclassement, et sans être tenue d’effectuer la recherche invoquée par le moyen pris en sa première branche dès lors que l’aménagement d’un poste en télétravail peut résulter d’un avenant au contrat de travail, la cour d’appel a légalement justifié sa décision.”
RAPPEL : L’employeur, avant de procéder au licenciement du salarié inapte, doit réaliser des recherches de reclassement loyales sur la base de l’avis du Médecin du travail.
FAITS : Un salarié est déclaré inapte avec possibilité de reclassement sur un poste en télétravail.
L’employeur le licencie, considérant qu’il ne peut le reclasser.
APPORT : La Cour de cassation constate que le poste du salarié, Coordinateur, était télétravaillable, de sorte que la recherche de reclassement n’avait pas été effectuée de manière loyale.
LICENCIEMENT ÉCONOMIQUE : L’accord exprès du salarié est nécessaire lorsque l’employeur revient sur sa décision de le licencier alors que le salarié a accepté le Contrat de Sécurisation Professionnelle (CSP) (Cass. soc. 15 février 2023, n°21-17784)
“6. Il résulte des articles 4 et 5 de la convention UNEDIC relative au contrat de sécurisation professionnelle du 26 janvier 2015, agréée par arrêté du 16 avril 2015 et des articles L. 1233-65, L. 1233-66 et L. 1233-67 du code du travail que l’adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle emporte rupture du contrat de travail. L’employeur ayant manifesté sa volonté de rompre le contrat de travail en proposant le contrat de sécurisation professionnelle, ne peut renoncer à cette rupture qu’avec l’accord exprès du salarié.
7. La cour d’appel, qui a constaté que le salarié avait adhéré le 10 janvier 2017 au contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé lors de l’entretien préalable, en a exactement déduit que cette adhésion emportait rupture du contrat de travail dont les effets étaient reportés à l’expiration du délai de réflexion de 21 jours, de sorte que l’employeur ne pouvait renoncer à cette rupture qu’avec l’accord du salarié.
8. Le moyen n’est donc pas fondé.”
RAPPEL : Lorsque l’employeur envisage de licencier un salarié pour un motif économique, il est tenu de lui proposer d’adhérer à un contrat de sécurisation professionnelle (CSP).
Le salarié bénéficie alors d’un délai de réflexion de 21 jours pour adhérer ou non au CSP.
Cette adhésion emportera rupture de son contrat de travail (article L. 1233-67 du Code du travail).
FAITS : Dans le cadre d’une procédure de licenciement pour motif économique, un salarié adhère au CSP.
Ensuite de cette adhésion, l’employeur renonce au projet de licenciement.
Le salarié conteste cette rétractation en indiquant que son contrat avait d’ores et déjà été rompu du fait de son adhésion au CSP et que l’employeur ne pouvait donc revenir sur son projet.
APPORT : La Cour de cassation juge que le contrat de travail du salarié avait effectivement été rompu du fait de son adhésion au CSP, de sorte que l’employeur souhaitant renoncer à la rupture du contrat devait nécessairement obtenir l’accord exprès du salarié.
PRESCRIPTION DE L’ACTION EN CONTESTATION DE LA RUPTURE : Les troubles anxio-dépressifs du salarié peuvent suspendre la prescription de l’action en contestation de la rupture (Cass. soc. 25 janvier 2023, n°21-17791)
“5. En application de l’article 2234 du code civil, la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.
6. La cour d’appel, ayant constaté que les certificats médicaux produits indiquaient que, à la suite de son hospitalisation en juillet 2015 et durant les trois années qui ont suivi, la salariée présentait d’importants troubles anxio-dépressifs, s’accompagnant de crises de panique incessantes, l’empêchant de mener à bien toute démarche tant personnelle que sociale et administrative, notamment lors de la gestion de son dossier prud’homal, et que son état s’était aggravé à compter de février 2016, rendant ainsi la recherche invoquée par la deuxième branche inopérante et caractérisant la force majeure, a pu en déduire que la salariée s’était trouvée dans l’impossibilité d’agir et que la prescription avait été suspendue, rendant recevable l’action introduite le 2 février 2018.”
RAPPEL : Conformément à l’article 2234 du Code civil, la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.
FAITS : Une salariée a été licenciée en novembre 2015 mais saisit le Conseil de Prud’hommes d’une contestation de son licenciement en février 2018, soit au-delà de la prescription.
Elle met en avant son état de santé pour justifier d’une suspension du délai de prescription.
APPORT : La Cour de cassation admet que la prescription a été suspendue du fait de l’impossibilité pour la salariée d’agir compte tenu de son état de santé.
2. HARCELEMENT MORAL :
La relaxe pénale du salarié pour le délit de harcèlement moral n’empêche pas le juge prud’homal de reconnaître un harcèlement moral au travail (Cass. soc. 18 janvier 2023, n°21-10233)
“12. Il résulte des articles 1351 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 480 du code de procédure civile, que les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l’action publique n’ont au civil autorité absolue, à l’égard de tous, qu’en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l’existence du fait incriminé, sa qualification et la culpabilité ou l’innocence de ceux auxquels le fait est imputé.
13. La caractérisation de faits de harcèlement moral en droit du travail, tels que définis à l’article L. 1152-1 du code du travail, ne suppose pas l’existence d’un élément intentionnel.
14. La cour d’appel a d’abord relevé que si le tribunal correctionnel avait, par jugement du 2 mai 2019, relaxé les employeurs des faits de harcèlement moral à l’encontre de l’intéressé, cette relaxe prononcée ne la liait pas en l’espèce, dès lors que le tribunal avait notamment jugé ne pouvoir se prononcer sur les obligations du salarié s’agissant de la désinfection et du nettoyage des véhicules de l’entreprise durant ses heures de permanence, en l’absence de production de son contrat de travail, de telle sorte qu’il ne pouvait apprécier l’absence de légitimité des sanctions prises à son encontre, alors qu’un tel élément était susceptible d’influer sur la qualification du harcèlement moral.
15. Ayant ensuite fait ressortir que le jugement du tribunal correctionnel, qui avait retenu que certains comportements de l’employeur apparaissaient relever davantage d’une mauvaise gestion du personnel ou d’un contentieux prud’homal que d’un harcèlement pénalement condamnable, était fondé également sur le défaut d’élément intentionnel, c’est à bon droit qu’elle en a déduit, sans violer le principe de la contradiction, que la décision du juge pénal ne la privait pas de la possibilité de retenir des faits de harcèlement moral caractérisés par des méthodes de management inappropriées de la part de l’employeur.
16. Le moyen n’est donc pas fondé”
RAPPEL : Le harcèlement moral est défini et sanctionné par le Code pénal (article 222-33-2 du Code pénal) ainsi que par le Code du travail (article L. 1152-1 du Code du travail).
Toutefois, en droit du travail, contrairement au droit pénal, le harcèlement moral peut être constitué indépendamment de l’intention de son auteur. Ainsi, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail, la situation de harcèlement est caractérisée (Cass. soc. 10 novembre 2009, n°08-41497).
FAITS : Un salarié licencié avait contesté son licenciement devant la juridiction prud’homale du fait d’actes de harcèlement moral qu’il aurait subis.
Parallèlement, le Tribunal correctionnel avait relaxé l’employeur au titre de l’infraction de harcèlement moral.
APPORT : La Cour de cassation juge que la décision de relaxe prononcée au bénéfice de l’employeur reposait sur l’absence d’élément intentionnel permettant de constituer l’infraction.
De ce fait, cela ne s’opposait pas à ce qu’une situation de harcèlement moral soit retenue en droit du travail.
3. CONTRAT A DUREE DETERMINEE
Exercice du droit disciplinaire de l’employeur en cas de succession de CDD (Cass. soc. 15 mars 2023, n°21-17227)
5. Il en résulte que la faute de nature à justifier la rupture anticipée d’un contrat à durée déterminée doit avoir été commise durant l’exécution de ce contrat.
6. La cour d’appel a relevé que le troisième contrat à durée déterminée avait pris effet le 29 janvier 2016, alors que les faits reprochés à la salariée, aux termes de la lettre de « licenciement », remontaient au 8 janvier 2016, soit antérieurement à la prise d’effet de ce troisième contrat.
7. Elle a retenu, à bon droit, que la société ne pouvait se fonder sur des fautes prétendument commises antérieurement à la prise d’effet du contrat pour justifier la rupture de celui-ci.
8. Elle en a exactement déduit que ces fautes ne pouvaient pas faire l’objet d’une sanction.
9. Le moyen n’est donc pas fondé.”
RAPPEL : Sauf accord des parties, le CDD ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le Médecin du travail (article L. 1243-1 du Code du travail)
FAITS : Une salariée a conclu 3 CDD successifs au sein de la même société.
Le troisième contrat a été rompu de façon anticipée pour faute grave en raison de faits commis au cours du 2nd contrat.
La salariée conteste cette rupture au motif que le manquement qui lui était reproché n’avait pas été commis durant le contrat de travail ayant été rompu.
APPORTS : La Cour de cassation juge que la faute de nature à justifier la rupture anticipée d’un CDD doit avoir été commise durant l’exécution du contrat en question, de sorte que la rupture était effectivement abusive.
Point de départ de la prescription de l’action en requalification d’un CDD en l’absence de transmission d’un contrat écrit (Cass. soc. 15 mars 2023, n°20-21774)
“6. Aux termes de l’article L. 1471-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.
7. En vertu de l’article 21 V de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, ces dispositions s’appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
8. Selon l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
9. Il en résulte que le délai de prescription d’une action en requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée court, lorsque cette action est fondée sur l’absence d’établissement d’un écrit, à compter de l’expiration du délai de deux jours ouvrables imparti à l’employeur pour transmettre au salarié le contrat de travail, lorsqu’elle est fondée sur l’absence d’une mention au contrat susceptible d’entraîner sa requalification, à compter de la conclusion de ce contrat, et lorsqu’elle est fondée sur le motif du recours au contrat à durée déterminée énoncé au contrat, à compter du terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, du terme du dernier contrat.
10. Ayant retenu, par motifs adoptés, que le point de départ du délai de prescription pour l’action en requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée était fixé au début de la relation en cas d’absence d’écrit et du jour de la signature du contrat à durée déterminée en cas d’irrégularité formelle de ce contrat, la cour d’appel, devant laquelle le salarié n’élevait pas de contestation quant au motif de recours au contrat à durée déterminée énoncé au contrat du 10 juillet 2008, en a exactement déduit que l’action en requalification en contrat de travail à durée indéterminée était acquise au plus tard le 10 juillet 2013, ce dont il s’évinçait que le salarié ayant introduit son instance le 17 février 2014, sa demande en requalification et les demandes qui y étaient liées étaient prescrites.
11. Le moyen n’est donc pas fondé.”
RAPPEL : Le salarié qui souhaite agir en requalification de son CDD en CDI dispose d’un délai de 2 ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit (article L. 1471-1 du Code du travail).
FAITS : Un salarié a été embauché en CDD pour les mois de juin à juillet 2008 sans que cette embauche ne fasse initialement l’objet d’un écrit.
Ce n’est ainsi que le 10 juillet 2008 que l’employeur a transmis un CDD qui a pris effet le 26 août 2008 et s’est achevé le 30 juin 2009.
Le salarié sollicitait la requalification de son CDD en CDI à durée indéterminée à compter du mois de juin 2008 en indiquant que son le délai de prescription de son action n’avait commencé à courir qu’à compter du terme de son dernier contrat.
APPORT : La Cour de cassation juge qu’en l’absence de contrat écrit, le délai de prescription d’une action en requalification d’un CDD en CDI court à compter de l’expiration du délai de 2 jours ouvrables impartis à l’employeur pour transmettre au salarié le contrat de travail.
4. RUPTURE CONVENTIONNELLE
La clause de dédit-formation ne s’applique pas en cas de rupture conventionnelle (Cass. soc. 15 mars 2023, n°21-23814)
“7. Il résulte de l’article L. 1237-11 du code du travail que la rupture conventionnelle du contrat de travail, exclusive de la démission ou du licenciement, intervient d’un commun accord entre l’employeur et le salarié.
8. Il s’en déduit que la rupture n’est imputable à aucune des parties.
9. La cour d’appel qui a retenu que la clause de dédit-formation contenue dans l’avenant au contrat de travail du 2 mars 2015 stipulait qu’en cas de rupture du contrat à son initiative ou non imputable à l’employeur, la salariée s’engageait à payer un pourcentage des sommes engagées par l’employeur pour sa formation et en a déduit que cette clause ne prévoyait pas de paiement d’une somme en cas de rupture conventionnelle du contrat de travail, cette rupture intervenant d’un commun accord entre les parties et ne pouvant ainsi s’analyser ni en une rupture à l’initiative du salarié, ni en une rupture non imputable à l’employeur, a légalement justifié sa décision.”
RAPPEL : La clause de dédit-formation est une clause par laquelle le salarié accepte, en contrepartie d’une formation, de rembourser tout ou partie des frais de formation engagés par l’entreprise, s’il démissionne avant un certain délai. Une telle clause doit toutefois être proportionnée aux frais engagés par l’entreprise et ne pas avoir pour effet de priver le salarié de sa faculté de démissionner (Cass. soc. 5 juin 2002, n°00-44327).
FAITS : Une salariée a été engagée en qualité d’infirmière en santé au travail par une association.
Le contrat de travail mentionnait qu’ “en cas de rupture du contrat à son initiative ou non imputable à l’employeur » la salariée s’engageait, selon certaines modalités, à rembourser tout ou partie des sommes engagées pour sa formation.
Une convention de rupture conventionnelle a été signée en juin 2016.
L’association saisit par la suite la juridiction prud’homale notamment afin de se voir rembourser les sommes dues par la salariée en application de la clause de dédit-formation.
APPORT : La Cour de cassation juge que cette rupture intervenue d’un commun accord entre les parties, ne peut s’analyser ni en une rupture à l’initiative du salarié, ni en une rupture non imputable à l’employeur. De ce fait, la salariée est libérée de l’indemnité de dédit-formation, quand bien même elle aurait pris l’initiative de conclure une rupture conventionnelle.
5. DUREE DU TRAVAIL
TEMPS DE DÉPLACEMENT : le temps de déplacement domicile / lieu de travail des salariés itinérants peut constituer du temps de travail effectif (Cass. soc. 1 mars 2023, n°21-12068)
Pour un décryptage de cet arrêt : Temps de déplacement : Quelles sont les règles applicables ?
Actualités légales et réglementaires
Décret n°2023-98 du 14 février 2023 relatif à la fixation de la procédure dématérialisée de rédaction d’accords ou de décisions unilatérales d’intéressement
La Loi n°2022-1158 dite de « pouvoir d’achat » du 16 août 2023 (pour retrouver notre décryptage de cette Loi c’est par ici), a mis en place une procédure dématérialisée de rédaction des accords ou des décisions unilatérales au titre de l’intéressement.
Cette procédure a pour objectif de sécuriser les exonérations sociales et fiscales liées à l’intéressement dès le dépôt du texte.
Ainsi, pour un accord ou une décision entièrement et exclusivement rédigé au moyen de la procédure dématérialisée prévue sur le site de l’URSSAF (www.mon-interessement.urssaf.fr), l’employeur reçoit un code d’identification permettant d’authentifier l’accord lors de son dépôt sur la plateforme TéléAccords (article R. 3313-4 du Code du travail).
Sous réserve qu’aucune modification n’ait été apportée à l’accord ou la décision, les exonérations sociales et fiscales attachées aux sommes versées au titre de cet intéressement sont acquises pour la durée de l’accord/de la décision à compter de son dépôt (article L. 3313-3 du Code du travail).
Cette procédure n’est possible que pour les accords ou décisions prévoyant une formule de calcul de l’intéressement reposant soit en fonction de la progression du chiffre d’affaires, soit en fonction du résultat courant avant impôts (RCAI).
Loi n°2023-171 du 9 mars 2023 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne notamment dans le domaine du travail
Afin d’adapter le droit national au droit européen, la Loi du 9 mars dernier a modifié le Code du travail sur différents thèmes :
- Suppression des durées maximales dérogatoires concernant les périodes d’essai
Le Code du travail fixait les durées maximales suivantes pour les périodes d’essai (articles L. 1221-19 et L. 1221-21 du Code du travail) :
- pour les ouvriers et les employés de 2 mois (4 mois en cas de renouvellement),
- pour les agents de maîtrise et les techniciens de 3 mois (6 mois en cas de renouvellement),
- pour les cadres de 4 mois (8 mois en cas de renouvellement).
Ces durées ont un caractère impératif, sous réserve notamment des durées plus longues fixées par accords de branche conclus avant la date de publication de la loi n°2008-596 du 25 juin 2008 (article L. 1221-22 du Code du travail).
Afin de mettre en conformité le droit national avec la Directive 2019/1152 du 20 juin 2019, la loi du 9 mars 2023 met fin à cette possible dérogation à compter du 9 septembre 2023.
- Information relative aux postes à pourvoir en CDI dans l’entreprise au bénéfice des CDD ou des salariés en intérim
Les articles L. 1242-17 et L. 1251-25 du Code du travail prévoyait une information collective des salariés en CDD ou en intérim au titre des postes en CDI à pourvoir au sein de la société.
Toutefois, cette information n’était nécessaire que lorsqu’un tel dispositif était prévu pour les salariés en CDI.
L’article L. 1242-17 prévoit désormais qu’à la demande d’un salarié titulaire d’un CDD justifiant dans l’entreprise d’une ancienneté continue d’au moins 6 mois, l’employeur doit l’informer des postes en contrat à durée indéterminée à pourvoir au sein de l’entreprise.
Il en est de même pour les salariés intérimaires (article L. 1251-25 du Code du travail).
Cette mesure ne sera toutefois effective qu’à la parution d’un décret qui en précisera les modalités.
- Transmission au salarié d’un document contenant des informations essentielles de sa relation de travail
La Directive n°2019/1152 prévoit une liste des informations à transmettre au salarié lors de son embauche.
Afin de se conformer à la Directive, un nouvel article L. 1221-5-1 a été inséré dans le Code du travail.
Ce dernier impose à l’employeur de remettre au salarié un ou plusieurs documents écrits contenant les informations principales relatives à la relation de travail.
A défaut de remise de ce document, le salarié doit au préalable mettre en demeure son employeur de lui communiquer les documents requis ou de compléter les documents remis avant de saisir le juge compétent afin de les obtenir.
Cette obligation d’information ne concerne pas les employeurs :
- ayant recours au chèque emploi-service universel (CESU) pour des salariés en CDD ou en contrat à temps partiel dès lors que leur durée de travail n’excède pas 3 heures par semaine au cours d’une période de référence de 4 semaines (article L. 1271-5 du Code du travail),
- ayant recours au guichet unique du spectacle occasionnel (GUSO) (article L. 7122-24 du Code du travail).
Un décret viendra préciser les modalités d’application de ces dispositions et notamment la liste des informations devant figurer dans les documents à transmettre au salarié.
- Mise en conformité des congés familiaux avec les dispositions européennes
Afin de se conformer à la Directive n°2019/1152, le Code du travail prévoit désormais que :
- la condition d’ancienneté d’un an pour bénéficier du congé parental d’éducation est appréciée au jour de la demande de congé et non plus au jour de la naissance de l’enfant (article L. 1225-47 du Code du travail),
- la durée du congé parental d’éducation à temps partiel ou celle du congé de paternité et d’accueil de l’enfant sont assimilées à du temps de travail effectif pour la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté (articles L. 1225-54 et L. 1225-35-2 du Code du travail),
- les salariés en congé parental d’éducation, de présence parentale ou de paternité conservent le bénéfice de tous les avantages qu’il avait acquis avant le début du congé (articles. L. 1225-35-2, L. 1225-54 et L. 1225-65 du Code du travail),
Est assimilé à une période de présence, la période de congé de paternité et d’accueil de l’enfant du salarié lors du calcul de la prime de participation (article L. 3324-6 du Code du travail).
Actualités de SOCOS AVOCATS
Deux nouvelles stagiaires au sein du cabinet
SOCOS Avocats accueille de nouvelles stagiaires : Agathe Vu et Elise Astier terminant respectivement leurs Masters 2 en Droit social à l’Institut d’Etudes du Travail de Lyon (IETL) et à l’Université Jean Moulin Lyon 3.
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Un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité, un optimiste voit l’opportunité dans chaque difficulté.
Churchill