Actualités jurisprudentielles et légales_ Trimestre 2 2023
DROIT DU TRAVAIL ET DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Edito
Le 2ème trimestre de l’année 2023 a été l’objet de précisions importantes notamment en termes de licenciement économique (qualification de licenciement collectif / précision des motifs) mais également en matière de harcèlement moral, la qualification juridique des faits n’étant plus jugée nécessaire pour bénéficier d’une protection.
SOCOS Avocats décrypte pour vous les actualités légales et jurisprudentielles du trimestre.
Actualités jurisprudentielles
1. RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL
INAPTITUDE / HARCÈLEMENT : L’annulation du licenciement pour inaptitude et harcèlement n’empêche pas la réintégration du salarié (Cass. soc., 19 avril 2023, n° 21-25.221)
“9. Lorsque le licenciement est nul, le salarié doit être, s’il le demande, réintégré dans son emploi ou un emploi équivalent, demande à laquelle l’employeur est tenu de faire droit sauf s’il justifie d’une impossibilité de procéder à cette réintégration.
10. La cour d’appel, après avoir retenu exactement que l’existence du harcèlement moral à l’origine de l’inaptitude du salarié ayant conduit à la nullité du licenciement ne constitue pas une impossibilité de réintégration, a pu décider qu’au jour où elle a statué, cette impossibilité n’était pas, par ailleurs, caractérisée par une inaptitude constatée le 2 février 2017.
11. Le moyen n’est, dès lors, pas fondé.”
RAPPEL : Lorsque le licenciement est nul, le salarié a le droit de demander sa réintégration (article L.1235-3-1 du Code du travail)
FAITS : Un salarié prétend avoir été victime d’actes de harcèlement moral et saisit le juge prud’homal de demandes indemnitaires.
Il fait ensuite l’objet, un an plus tard d’un licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement et conteste le bien-fondé de ce licenciement.
L’employeur précise, à ce titre, qu’en cas de reconnaissance d’une situation de harcèlement, la réintégration du salarié doit être jugée comme étant impossible puisque son inaptitude avait été causée par cette situation.
APPORT : Le fait pour un salarié d’avoir subi un harcèlement moral à l’origine de son inaptitude n’est pas de nature à caractériser une impossibilité de le réintégrer dans l’entreprise à la suite de la nullité de son licenciement.
NULLITÉ DU LICENCIEMENT ET RÉSILIATION JUDICIAIRE : Une possible réintégration (Cass. soc., 11 mai 2023, n° 21-23.148)
“Vu les articles L. 1235-3 du code du travail et 1184 du code civil, le premier dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, le second dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
5. Lorsqu’un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail et la nullité de son licenciement au cours d’une même instance, puis abandonne en cours d’instance la demande de résiliation judiciaire, le juge, qui constate la nullité du licenciement, doit examiner la demande de réintégration.
6. Pour débouter le salarié de ses demandes de réintégration et de paiement d’une indemnité égale au montant de la rémunération brute qui aurait dû lui être versée entre le jour de son éviction et le jour de sa réintégration effective, l’arrêt retient que l’intéressé a sollicité la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur jusqu’à son troisième jeu de conclusions notifiées en cause d’appel, ne renonçant à cette prétention qu’à ses ultimes écritures, qu’il a maintenu cette demande après que l’employeur l’a licencié en cours de procédure, la poursuite du contrat de travail ne pouvant être ordonnée entre deux parties qui ont, chacune pour sa part, manifesté irréductiblement leur volonté de le rompre.
7. En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que le salarié avait abandonné sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail dans ses dernières écritures, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.”
RAPPEL : En principe, la nullité du licenciement entraîne de plein droit la réintégration du salarié qui la demande (article L. 1235-3-1 du Code du travail (art. L. 1235-3 c. trav. ancien)).
En cas de demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, celle-ci doit être examinée antérieurement à la contestation du licenciement prononcé ultérieurement à cette demande.
Ce n’est ainsi que si les juges l’estiment non fondée qu’ils se prononcent sur le licenciement.
Jusqu’à présent, la Cour de cassation jugeait que lorsqu’un salarié sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail et la nullité de son licenciement postérieur au cours d’une même instance, sans abandonner sa demande de résiliation judiciaire, le juge ne peut faire droit à la demande de réintégration, et ce même s’il prononce la nullité du licenciement (Cass. soc., 27 janvier 2021, n° 19-21.200).
FAITS : Un salarié sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail avant d’être licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Il conteste alors le bien-fondé de son licenciement et abandonne sa demande de résiliation judiciaire.
Les juges du fond déclarent le licenciement nul mais déboutent le salarié de sa demande de réintégration.
APPORT : Lorsqu’un salarié abandonne sa demande de résiliation judiciaire en cours d’instance et ne maintient que sa demande de nullité du licenciement, il peut bénéficier d’une réintégration.
CONTRAT DE SÉCURISATION PROFESSIONNELLE : L’employeur peut préciser le motif économique de la rupture dans les 15 jours suivant l’adhésion du salarié (Cass. soc., 5 avril 2023, n° 21-18.636)
“8. D’abord, il résulte de l’article 4 de la convention Unédic relative au contrat de sécurisation professionnelle du 26 janvier 2015, agréée par arrêté du 16 avril 2015, et des articles L. 1233-65, L. 1233-66 et L. 1233-67 du code du travail que la rupture du contrat de travail résultant de l’acceptation par le salarié d’un contrat de sécurisation professionnelle doit avoir une cause économique réelle et sérieuse. L’employeur est en conséquence tenu d’énoncer le motif économique de la rupture du contrat dans un écrit remis ou adressé au salarié au cours de la procédure de licenciement et au plus tard au moment de son acceptation.
9. Ensuite, selon l’article L. 1235-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, les motifs énoncés dans la lettre de licenciement prévue aux articles L. 1232-6, L. 1233-16 et L. 1233-42 peuvent, après la notification de celle-ci, être précisés par l’employeur, soit à son initiative soit à la demande du salarié, dans des délais et conditions fixés par décret en Conseil d’Etat. La lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l’employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement.
10. Enfin, aux termes de l’article R. 1233-2-2 du code du travail, dans les quinze jours suivant la notification du licenciement, le salarié peut, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé, demander à l’employeur des précisions sur les motifs énoncés dans la lettre de licenciement. L’employeur dispose d’un délai de quinze jours après la réception de la demande du salarié pour apporter des précisions s’il le souhaite. Il communique ces précisions au salarié par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. Dans un délai de quinze jours suivant la notification du licenciement et selon les mêmes formes l’employeur peut, à son initiative, préciser les motifs du licenciement.
11. Il s’en déduit que, lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l’acceptation par le salarié d’un contrat de sécurisation professionnelle, le document par lequel l’employeur informe celui-ci du motif économique de la rupture envisagée peut être précisé par l’employeur, soit à son initiative, soit à la demande du salarié, dans le délai de quinze jours suivant l’adhésion de ce dernier au dispositif.”
RAPPEL : L’employeur est tenu d’énoncer le motif économique de la rupture du contrat dans un écrit remis ou adressé au salarié au cours de la procédure de licenciement et au plus tard au moment de son adhésion au contrat de sécurisation professionnelle.
Conformément à l’article R. 1233-2-2 du Code du travail, dans un délai de quinze jours suivant la notification du licenciement, l’employeur peut, à son initiative, préciser les motifs du licenciement.
FAITS : Au cours de leur entretien préalable du 21 septembre 2018, deux salariées se sont vues remettre, avant leur adhésion au contrat de sécurisation professionnelle (CSP), un document d’information sur le dispositif du CSP et un courrier spécifiant les motifs économiques de la rupture.
Ensuite de leur adhésion au CSP, le 27 septembre 2018, la rupture de leurs contrats de travail est intervenue le 18 octobre 2018.
Dans l’intervalle, une précision quant à la suppression des postes de travail des salariées avait été apportée par courrier du 9 octobre 2018, avant l’expiration du délai de réflexion pour adhérer au CSP.
Les salariées contestent le bien-fondé de la rupture de leurs contrats de travail en soutenant que ces précisions avaient été apportées postérieurement à leur adhésion au CSP et ne pouvaient donc être prises en compte.
Les juges du fond ont rejeté leur demande de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
APPORT : Lorsque la rupture du contrat de travail résulte d’une acceptation par le salarié d’un CSP, l’employeur peut préciser le motif économique à son initiative ou à la demande du salarié dans un délai de 15 jours suivant l’adhésion au contrat de sécurisation professionnelle.
LICENCIEMENT ÉCONOMIQUE : La procédure applicable dépend du nombre de licenciements après reclassement (Cass. soc., 5 avril 2023, n° 21-10.391)
“Vu l’article L. 1233-8 du code du travail dans sa version antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 :
4. Il résulte de ce texte que l’employeur n’a l’obligation de réunir et consulter le comité d’entreprise dans les entreprises d’au moins cinquante salariés ou les délégués du personnel dans les entreprises de moins de cinquante salariés, que lorsqu’il envisage de procéder à un licenciement pour motif économique d’au moins deux salariés dans une même période de trente jours.
5. Pour condamner la société à payer des dommages-intérêts au salarié en raison du défaut par l’employeur de consultation des délégués du personnel, la cour d’appel a retenu que l’employeur avait envisagé dans un délai de trente jours un licenciement économique par suppression de trois postes de travail et qu’il importait peu que deux des salariés concernés aient accepté la proposition de reclassement au sein d’autres sociétés du groupe qui leur avait été présentée, de sorte que le licenciement présentait un caractère collectif imposant à l’employeur la consultation des délégués du personnel.
6. En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que deux des salariés concernés avaient accepté leur reclassement interne au sein du groupe, en sorte que le licenciement économique n’avait été envisagé qu’à l’égard d’un seul salarié, la cour d’appel a violé le texte susvisé.”
RAPPEL : L’employeur est tenu de réunir et consulter le Comité Économique et Social (CSE) lorsqu’il envisage de procéder à un licenciement collectif (au moins deux salariés) dans une même période de trente jours pour un motif économique (article L. 1233-8 du Code du travail).
FAITS : Ensuite d’une procédure de licenciement pour motif économique, la société a été condamnée du fait du non-respect de la procédure d’information/consultation.
La société forme un pourvoi en cassation à l’encontre de cet arrêt en rappelant que si le licenciement qu’elle avait initié concernait 3 salariés potentiels, 2 de ces salariés avaient accepté une offre de reclassement.
De ce fait, le licenciement n’était pas collectif.
APPORT : La Cour de cassation valide ce raisonnement. Ainsi, seul le nombre de licenciements, après reclassement, est pris en compte.
Le licenciement économique n’est donc pas collectif si un seul salarié a refusé les reclassements proposés.
INAPTITUDE : Un salarié en arrêt de travail peut solliciter une visite médicale et être déclaré inapte (Cass. soc., 24 mai 2023, n°22-10.517)
“5. Aux termes de l’article L. 4624-4 du code du travail, après avoir procédé ou fait procéder par un membre de l’équipe pluridisciplinaire à une étude de poste et après avoir échangé avec le salarié et l’employeur, le médecin du travail qui constate qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n’est possible et que l’état de santé du travailleur justifie un changement de poste déclare le travailleur inapte à son poste de travail. L’avis d’inaptitude rendu par le médecin du travail est éclairé par des conclusions écrites, assorties d’indications relatives au reclassement du travailleur.
6. L’article R. 4624-34 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-1908 du 27 décembre 2016, dispose qu’indépendamment des examens d’aptitude à l’embauche et périodiques ainsi que des visites d’information et de prévention, le travailleur bénéficie, à sa demande ou à celle de l’employeur, d’un examen par le médecin du travail et que le travailleur peut solliciter notamment une visite médicale, lorsqu’il anticipe un risque d’inaptitude, dans l’objectif d’engager une démarche de maintien en emploi et de bénéficier d’un accompagnement personnalisé.
7. Il résulte de la combinaison de ces textes que le médecin du travail peut constater l’inaptitude d’un salarié à son poste à l’occasion d’un examen réalisé à la demande de celui-ci sur le fondement de l’article R. 4624-34 du code du travail, peu important que l’examen médical ait lieu pendant la suspension du contrat de travail.”
RAPPEL : Conformément à l’article R. 4624-42 du Code du travail, le Médecin du travail ne peut constater l’inaptitude médicale du travailleur qu’après avoir réalisé au moins un examen médical.
FAITS : Un salarié en arrêt maladie sollicite une visite médicale auprès du Médecin du travail. A l’issue de la visite, le Médecin du travail le déclare inapte avec impossibilité de reclassement.
L’employeur licencie le salarié pour inaptitude et impossibilité de reclassement sur la base de cet avis.
Le salarié conteste le bien-fondé du licenciement en faisant valoir que le Médecin du travail ne pouvait pas constater son inaptitude à l’issue d’une visite médicale qu’il avait lui-même sollicité, d’autant plus que la visite a eu lieu pendant la suspension de son contrat de travail.
APPORT : Le Médecin du travail peut constater l’inaptitude d’un salarié à son poste de travail à l’issue d’une visite médicale demandée par celui-ci, y compris pendant la suspension du contrat de travail du salarié placé en arrêt maladie.
HARCÈLEMENT MORAL : Un salarié dénonçant des faits de harcèlement moral peut bénéficier de la protection contre le licenciement, même s’il n’a pas expressément qualifié les faits de harcèlement moral (Cass. soc., 19 avril 2023, n° 21-21.053)
“12. Dès lors, au regard, d’une part de la faculté pour l’employeur d’invoquer devant le juge, sans qu’il soit tenu d’en avoir fait mention au préalable dans la lettre de licenciement, la mauvaise foi du salarié licencié pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral, d’autre part de la protection conférée au salarié licencié pour un motif lié à l’exercice non abusif de sa liberté d’expression, dont le licenciement est nul pour ce seul motif à l’instar du licenciement du salarié licencié pour avoir relaté, de bonne foi, des agissements de harcèlement, il y a lieu désormais de juger que le salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, peu important qu’il n’ait pas qualifié lesdits faits de harcèlement moral lors de leur dénonciation, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce.”
RAPPEL : Toute personne qui relate ou dénonce des faits de harcèlement moral, de bonne foi, bénéficie d’une protection contre le licenciement (article L. 1152-2 du Code du travail), à défaut le licenciement est nul (article L. 1152-3 du Code du travail).
FAITS : Une salariée a été licenciée pour faute grave, notamment pour avoir mis en cause les dirigeants de la structure. Elle a contesté son licenciement devant la juridiction prud’homale du fait d’actes de harcèlement moral qu’elle aurait subis et surtout dénoncés, sans toutefois les avoir qualifiés comme tels.
Les juges ont considéré que l’employeur ne pouvait pas ignorer que la salariée dénonçait des faits de harcèlement moral dans la mesure où elle avait évoqué plusieurs plusieurs exemples ayant entraîné selon elle une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé par courrier.
APPORT : La Cour de cassation confirme la position de la Cour d’appel et considère que le licenciement est nul, dès lors que le salarié dénonce de bonne foi des agissements de harcèlement moral, même s’il ne qualifie pas les faits de harcèlement moral lors de leur dénonciation.
2. DURÉE DU TRAVAIL
REQUALIFICATION EN CONTRAT À TEMPS PLEIN : si le recours aux heures complémentaires porte la durée du travail d’un salarié à temps partiel au niveau du temps plein une seule fois, son contrat de travail à temps partiel encourt la requalification en contrat à temps plein à compter de la première irrégularité (Cass. soc., 7 juin 2023, n° 21-25.574)
“5. Il résulte de ces textes que lorsque le recours à des heures complémentaires a pour effet de porter la durée du travail d’un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale ou conventionnelle, le contrat de travail à temps partiel doit, à compter de la première irrégularité, être requalifié en contrat de travail à temps plein.
6. Pour condamner l’employeur au paiement d’un rappel de salaire à compter du 1er septembre 2014, en conséquence de la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet, l’arrêt relève d’abord qu’il résulte des propres déclarations de l’employeur que, pendant la période du Ramadan de 2017 (soit du 27 mai au 27 juin), l’horaire contractuel a été dépassé, et que l’employeur produit lui-même un calendrier faisant apparaître, pendant la période du Ramadan, un horaire hebdomadaire de cinquante-sept heures trente, ce dont il résulte que la durée légale du travail a été dépassée. Il retient ensuite que le salarié calcule sa demande à compter du 1er septembre 2014, sans contestation de l’employeur sur ce point précis, et que le calcul doit porter jusqu’à la date de rupture du contrat de travail, soit sur quarante-et-un mois et demi.
7. En statuant ainsi, alors que son constat de l’élévation de la durée hebdomadaire du travail au niveau de la durée légale ne portait que sur une période commençant le 27 mai 2017, ce dont elle aurait dû déduire que le contrat de travail devait être requalifié en contrat à temps complet à compter de cette date et évaluer à cette même date le rappel de salaire en résultant, la cour d’appel a violé les textes susvisés.”
RAPPEL : Les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée de travail accomplie par un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale du travail ou, si elle est inférieure, au niveau de la durée de travail fixée conventionnellement (article L. 3123-9 du Code du travail).
Lorsque le recours à des heures complémentaires a pour effet de porter la durée du travail d’un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale ou conventionnelle, le contrat de travail à temps partiel doit être requalifié en contrat de travail à temps plein.
FAITS : Un salarié sollicite la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet.
La Cour d’Appel retient comme point de départ de la requalification du contrat, le début de son contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel et condamne donc l’employeur à un rappel de salaire à compter du 1er septembre 2014.
APPORTS : Si la requalification en contrat à temps plein est de plein droit en cas d’atteinte ou de dépassement de la durée légale ou conventionnelle de travail, elle ne peut intervenir qu’à partir de la première irrégularité.
3. RELATIONS COLLECTIVES
DESIGNATION D’UN DELEGUE SYNDICAL : le choix du syndicat peut se porter sur un adhérent en l’absence de candidat susceptible d’exercer le mandat à son profit (Cass. soc., 19 avril 2023, n° 21-60.127)
“En se déterminant ainsi, alors que le syndicat qui ne dispose plus de candidats en mesure d’exercer un mandat de délégué syndical à son profit peut désigner l’un de ses adhérents conformément aux dispositions de l’article L. 2143-3, alinéa 2, du code du travail, le tribunal, qui n’a pas recherché, comme il était soutenu, si M. [P] avait renoncé à l’activité syndicale et ne cotisait plus depuis plus de deux ans à l’union locale, n’a pas donné de base légale à sa décision.”
RAPPEL : Conformément à l’article L. 2143-3 du Code du travail, chaque organisation syndicale représentative dans l’entreprise ou l’établissement d’au moins cinquante salariés, qui constitue une section syndicale désigne un ou plusieurs délégués syndicaux parmi les candidats aux élections professionnelles ayant recueilli à titre personnel et dans leur collège au moins 10% des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au CSE.
L’alinéa 2 du même article, dispose que si aucun candidat présenté par l’organisation syndicale ne remplit les conditions ci-dessus, dans l’entreprise ou l’établissement, ou si l’ensemble des élus qui remplissent les conditions mentionnées audit premier alinéa renoncent par écrit à leur droit d’être désigné délégué syndical, ladite organisation peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats, ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l’entreprise ou de l’établissement.
FAITS : Un syndicat a désigné un adhérent comme délégué syndical. Lors de la désignation, deux candidats n’étaient plus salariés de l’entreprise, un avait renoncé à son mandat, et le dernier n’était pas à jour de ses cotisations.
L’employeur conteste cette désignation.
Le Tribunal Judiciaire a annulé la désignation en jugeant que l’un des candidats, qui remplissait les conditions pour être désigné, n’avait pas renoncé à son droit d’être désigné délégué syndical.
APPORT : La Cour de cassation rappelle que le syndicat qui ne dispose plus de candidat en mesure d’exercer le mandat de délégué syndical peut désigner un de ses adhérents. Le Tribunal aurait donc dû rechercher si le candidat avait renoncé à l’activité syndicale et ne cotisait plus depuis plus de deux ans à l’organisation syndicale et s’il était ainsi encore en mesure d’exercer un mandat syndical au profit de celle-ci.
RENONCIATION AU DROIT D’ÊTRE DÉSIGNÉ DÉLÉGUÉ SYNDICAL : La renonciation au mandat de délégué syndical ne vaut pas nécessairement pour toute la durée du cycle électoral (Cass. soc., 19 avril 2023, n° 21-23.348)
“11. La renonciation par l’élu ou le candidat, ayant recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité social et économique, au droit d’être désigné délégué syndical, qui permet au syndicat représentatif de désigner un adhérent ou un ancien élu en application de l’alinéa 2 de l’article L. 2143-3 précité, n’a pas pour conséquence de priver l’organisation syndicale de la possibilité de désigner ultérieurement, au cours du même cycle électoral, l’auteur de la renonciation en qualité de délégué syndical.”
RAPPEL : Tout candidat élu aux élections du CSE peut renoncer à être désigné délégué syndical.
FAITS : Une salariée, ayant obtenu plus de 10% des suffrages aux dernières élections du comité social et économique a été désignée comme déléguée syndicale par un syndicat.
Ensuite de sa désignation, la salariée y renonce par écrit le 8 juin 2020.
Le 30 juin 2021, le syndicat désigne à nouveau cette salariée comme déléguée syndicale au sein du même établissement en remplacement d’un autre délégué syndical.
L’employeur saisit le Tribunal judiciaire en contestation de cette désignation en soutenant que la renonciation au droit d’être délégué syndical valait pour tout le cycle électoral.
APPORT : La renonciation au mandat de délégué syndical ne vaut pas renonciation pour la toute la durée du cycle électoral. En conséquence, l’organisation syndicale conserve la possibilité de désigner en qualité de délégué syndical un salarié qui y avait renoncé, au cours du même cycle électoral.
EXPERTISE COMPTABLE : L’expert du CSE doit recueillir l’accord de l’employeur pour auditionner des salariés dans le cadre d’une expertise portant sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi (Cass. soc., 28 juin 2023, n° 22-10.293)
“6. Selon l’article L. 2315-82 du code du travail, l’expert-comptable désigné dans le cadre de la consultation sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi a libre accès dans l’entreprise pour les besoins de sa mission.
7. Aux termes de l’article L. 2315-83 du même code, l’employeur fournit à l’expert les informations nécessaires à l’exercice de sa mission.
8. Il résulte de ces dispositions que l’expert-comptable, désigné dans le cadre de la consultation sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi, s’il considère que l’audition de certains salariés de l’entreprise est utile à l’accomplissement de sa mission, ne peut y procéder qu’à la condition d’obtenir l’accord exprès de l’employeur et des salariés concernés.
9. Ayant constaté d’une part que, selon la lettre de mission, l’intervention de l’expert-comptable au titre de l’analyse de la politique sociale, des conditions de travail et de l’emploi portait limitativement sur les conditions de travail et devait être exclusivement réalisée au moyen d’entretiens avec les salariés prévus sur cinq à six jours en prévoyant de réaliser des entretiens avec vingt-cinq salariés d’une durée de 1h30 chacun avec un battement de quinze minutes entre chaque entretien, soit un total de cinq entretiens sur cinq à six jours, d’autre part que l’employeur s’était opposé à ces entretiens, le président du tribunal en a exactement déduit que devait être rejetée la demande de l’expert-comptable tendant à faire injonction à l’employeur de lui permettre de conduire lesdits entretiens de sorte que le nombre de jours prévus pour l’expertise devait être réduit.
10. Par ailleurs, après avoir apprécié la valeur et la portée des pièces produites, le président du tribunal a souverainement estimé la durée prévisionnelle et le coût prévisionnel de l’expertise en fonction de la mission confiée à l’expert.
11. Les moyens, en ce qu’ils critiquent des motifs surabondants faisant référence au guide des missions de l’expert-comptable, ne peuvent, dès lors, être accueillis.”
RAPPEL : Le CSE peut mandater un expert-comptable notamment dans le cadre de la consultation sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi (consultation récurrente obligatoire). L’expert désigné a libre accès dans l’entreprise pour les besoins de sa mission (article L. 2315-82 du Code du travail). L’employeur lui fournit les informations nécessaires à l’exercice de sa mission.
FAITS : Le CSE avait décidé de recourir à une expertise pour l’assister lors des consultations annuelles sur la situation économique et financière de l’entreprise et sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi.
L’expert désigné avait notifié une lettre de mission à l’employeur portant sur ses modalités d’intervention. Il fondait l’étendue de son expertise sur plusieurs entretiens avec des salariés.
L’employeur considérait que la durée et le coût de l’expertise étaient trop élevés et s’est opposé à la conduite de ces entretiens.
De fait, il a fait assigner le CSE et l’expert devant le président du tribunal judiciaire aux fins de réduire le taux journalier et le coût prévisionnel de l’expertise ainsi que la durée de celle-ci.
Le juge a ordonné la réduction de la durée de l’intervention et du coût prévisionnel de l’expertise au titre de la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi, décision contestée par l’expert, qui faisait grief au jugement de l’avoir débouté que sa demande tendant à ce qu’il soit fait injonction à la société de lui permettre de conduire les entretiens avec les salariés.
APPORT : Si l’expert-comptable, désigné par le CSE dans le cadre de la consultation sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi, considère que l’audition de certains salariés de l’entreprise est utile à l’accomplissement de sa mission, il ne peut y procéder qu’à la condition d’obtenir l’accord exprès de l’employeur et des salariés concernés.
Actualités légales et réglementaires
La loi du 21 décembre 2022 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi a introduit, à titre expérimental et par dérogation aux dispositions du Code du travail, la faculté de conclure un seul contrat à durée déterminée (CDD) ou un seul contrat de mission pour remplacer plusieurs salariés dans certains secteurs définis par décret.
Pour mémoire, en principe, chaque remplacement nécessite la conclusion d’un CDD ou d’un contrat de mission. Cette loi est une dérogation à la règle générale.
Le décret 2023-263 du 12 avril 2023 fixe la liste de ces secteurs d’activité.
Le recours au CDD multi-remplacement est ainsi envisageable depuis le 13 avril 2023 et ce pour une durée de 2 ans, soit jusqu’au 13 avril 2025, dans certains secteurs, à titre dérogatoire.
Rappelons, toutefois, que cette expérimentation ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
Les secteurs d’activité dans lesquels il est possible de conclure un CDD ou un contrat de mission pour remplacer plusieurs salariés sont notamment les suivants :
- Sanitaire, social et médico-social
- Propreté et nettoyage
- Économie sociale et solidaire
- Entreprises de radiodiffusion privées et publiques
- Tourisme en zone de montagne
- Commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire
- Plasturgie
- Restauration collective
- Sport et équipements de loisirs
- Transport routier et activités auxiliaires
- Industries alimentaires
- Services à la personne
- Activités diverses
Ces secteurs sont couverts par 66 conventions collectives de rattachement.
La loi n° 2021-1774 du 24 décembre 2021 visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle en renforçant l’accès des femmes aux postes de cadres dirigeants et aux instances dirigeantes.
Pour rappel, conformément à l’article L. 1142-11 du Code du travail, les entreprises d’au moins 1000 salariés ont l’obligation de publier chaque année les écarts de représentation entre les femmes et les hommes parmi les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes depuis le 1er mars 2022.
En outre, à compter du 1er mars 2026, les entreprises d’au moins 1000 salariés devront atteindre pour le troisième exercice consécutif une proportion minimale de 30% de personnes de chaque sexe parmi les cadres dirigeants et les cadres membres des instances dirigeantes, et 40% au 1er mars 2029.
Le décret du 15 mai 2023 vient fixer les conditions et la procédure relative à la pénalité financière applicable en matière de répartition des personnes de chaque sexe parmi les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes.
Ainsi, quatre nouveaux articles sont insérés dans le code du travail : article R.1142-20 à R.1142-23 du Code du travail en vigueur à compter du 1er mars 2023.
Ces articles détaillent et précisent :
- la procédure contradictoire préalable au prononcé de la pénalité ;
- les critères devant être pris en compte par la DREETS pour déterminer le montant de la pénalité ;
- les modalités de notification de la pénalité à l’employeur par la DREETS.
La loi du 19 mai 2023 accorde en son article 25 une dérogation préfectorale au repos dominical pendant la période des jeux, pour satisfaire les besoins importants en matière d’offres commerciales qui existeront au moment des Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) en France en 2024.
Les préfets pourront autoriser, à certaines conditions, les établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens ou des services, situés sur les communes d’implantation des sites olympiques ou à proximité, à ouvrir le dimanche du 15 juin au 15 septembre 2024.
Les dérogations seront accordées en tenant compte “des besoins du public résultant de l’affluence exceptionnelle attendue de touristes et de travailleurs”, par le préfet après avis des divers acteurs locaux concernés donnés dans le délai d’un mois suivant la saisine du préfet.
En outre, le préfet pourra étendre son autorisation à tout ou partie des établissements situés dans les communes du département et exerçant la même activité sans que ces derniers aient à déposer de demandes individuelles.
Egalement, il pourra suspendre les arrêtés préfectoraux pris sur le fondement de l’article L. 3132-29 du Code du travail imposant un jour de fermeture hebdomadaire pour l’ensemble des établissements exerçant une même profession et dans une zone géographique déterminée, lorsqu’un accord est intervenu entre les organisations d’employeurs et de salariés concernés.
Enfin, il est précisé que seuls les salariés volontaires ayant donné leur accord par écrit à l’employeur pourront travailler le dimanche, sans que le refus puisse entraîner une mesure discriminatoire, être constitutif d’une faute ou d’un motif de licenciement. Le salarié peut revenir sur sa décision à tout moment, en avertissant par écrit son employeur en respectant un délai de 10 jours francs.
Actualités de SOCOS AVOCATS
SOCOS AVOCATS a accueilli Clara GALDEANO, comme collaboratrice.
Faciliter l’accès au droit social, un objectif
Intervenant dans un domaine très mouvant, il me paraît primordial d’accompagner les acteurs des ressources humaines et les dirigeants d’entreprises dans leur quotidien et leurs projets de restructuration. Dans ce cadre, s’entourer de Conseils clairs, accessibles et réactifs est indispensable.
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Le rêve est la meilleure chose qui soit au monde car c’est grâce à lui que nous avançons dans le réel
G APOLLINAIRE