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Actualités jurisprudentielles et légales_ Trimestre 1 2022

DROIT DU TRAVAIL ET DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Edito

Le 1er trimestre 2022 a été l’occasion de préciser certaines interprétations jurisprudentielles, notamment sur l’appréciation des manquements dans le cadre d’une résiliation judiciaire, ou encore la potentielle atteinte à la vie privée des salariés par le CSE et les modalités de renonciation à une clause de non-concurrence dans le cadre d’une rupture conventionnelle du contrat de travail.

Ce trimestre a également été l’occasion d’importantes évolutions en matière législative et règlementaire avec notamment le renforcement de la protection du lanceur d’alerte et les modifications apportées aux visites de reprise et de préreprise.

Pour vous permettre une mise à jour rapide, SOCOS Avocats vous transmet donc une synthèse des actualités jurisprudentielles et légales en droit du travail et droit de la sécurité sociale.

Actualités jurisprudentielles

1. DROIT DISCIPLINAIRE ET LICENCIEMENT :

Les manquements invoqués à l’appui d’une demande de résiliation judiciaire s’apprécient à la date à laquelle les juges statuent (Cass. soc. 2 mars 2022, n°20-14099)

« Vu les articles L. 1221-1 du code du travail, et 1184 du code civil, ce dernier dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

6. Il résulte de ces textes que lorsqu’un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, et qu’il est licencié ultérieurement, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire était justifiée. Pour apprécier si les manquements de l’employeur sont de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, il peut tenir compte de la régularisation survenue jusqu’à la date du licenciement.

7. Pour débouter le salarié de sa demande de résiliation judiciaire et de ses demandes de paiement de diverses sommes au titre de la rupture, l’arrêt retient que le manquement tenant au défaut de paiement d’heures supplémentaires doit être écarté, compte tenu notamment de la démarche de régularisation effectuée par l’employeur avant même que le conseil ne statue, de sorte qu’un éventuel contentieux résiduel sur ce point n’empêchait pas la poursuite du contrat de travail.

8. En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que l’employeur avait régularisé le paiement des heures supplémentaires postérieurement à la rupture du contrat de travail, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »

RAPPEL : La demande de résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse lorsqu’elle est justifiée par des manquements suffisamment graves rendant impossible le maintien du contrat de travail.

FAITS : Le salarié sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison du non-paiement de ses heures supplémentaires.
Postérieurement à la rupture de son contrat de travail, l’employeur régularise le paiement des heures supplémentaires.
La Cour d’Appel considère qu’à la date de son arrêt, la demande de résiliation judiciaire n’est plus justifiée compte tenu de la régularisation opérée.

APPORT : Lorsqu’un manquement n’existe plus à la date du jugement ensuite d’une régularisation de la situation par l’employeur, la résiliation judiciaire n’est plus justifiée. Encore faut-il toutefois que cette régularisation intervienne avant la rupture du contrat de travail.

Reproches dans le cadre de l’entretien d’évaluation et épuisement du pouvoir disciplinaire (Cass. soc. 2 février 2022, n°20-13833)

« 5. Après avoir relevé que, dans son compte rendu d’entretien, l’employeur reprochait au salarié son attitude dure et fermée aux changements, à l’origine d’une plainte de collaborateurs en souffrance, des dysfonctionnements graves liés à la sécurité électrique et le non-respect des normes réglementaires, et l’invitait de manière impérative et comminatoire et sans délai à un changement complet et total, la cour d’appel en a exactement déduit que ce document comportant des griefs précis sanctionnait un comportement considéré comme fautif et constituait un avertissement, en sorte que les mêmes faits ne pouvaient plus justifier un licenciement ultérieur.»

RAPPEL : Lorsque le salarié fait l’objet de critiques, dans le cadre d’emails/de courriers, et même si ceux-ci ne sont pas qualifiés de sanction, ils peuvent revêtir cette qualification juridique (ex. : Cass. soc. 3 février 2017, n°15-11433)

FAITS :  Le salarié est licencié pour des faits fautifs. Il estime cependant que ce licenciement fait état de faits ayant d’ores et déjà été sanctionnés compte tenu de leur mention dans le cadre de son entretien annuel d’évaluation.

APPORT : La mention de critiques dans le cadre d’un entretien annuel d’évaluation peut être qualifiée de sanction dès lors que l’employeur prenait le soin de faire état au salarié de la nécessité de modifier son comportement.
Cela n’induit pas que toute critique à l’encontre du salarié dans le cadre de l’entretien annuel d’évaluation serait qualifiée de sanction.
Ainsi, s’il est fait état de simples manquements sans qu’il ne soit enjoint au salarié de modifier immédiatement son comportement ou sans que cela ne traduise une volonté de sanction, les mentions contenues dans l’entretien annuel d’évaluation ne constituent pas une sanction (Cass. soc. 12 novembre 2015, n°14-17615)

Rupture conventionnelle et renonciation à la clause de non-concurrence (Cass. soc. 26 janvier 2022, n°20-15755)

« 9. Ces solutions se justifient par le fait que le salarié ne peut être laissé dans l’incertitude quant à l’étendue de sa liberté de travailler.

10. Il en résulte qu’en matière de rupture conventionnelle, l’employeur, s’il entend renoncer à l’exécution de la clause de non-concurrence, doit le faire au plus tard à la date de rupture fixée par la convention, nonobstant toutes stipulations ou dispositions contraires.

11. Pour limiter à une certaine somme la contrepartie financière de la clause de non-concurrence allouée à la salariée, l’arrêt retient que la convention de rupture n’a pas réglé le sort de la clause de non-concurrence, de sorte que celle-ci demeurait applicable pendant une durée d’une année à compter de la rupture du contrat de travail intervenue le 5 mai 2015, que toutefois lorsque la salariée a demandé à l’employeur le versement de la contrepartie financière prévue au contrat de travail, au motif qu’elle ne l’avait pas déliée expressément de la clause, la société lui a répondu le 11 septembre 2015 qu’elle avait été relevée de son obligation de non-concurrence à son égard depuis son départ. L’arrêt ajoute que dès lors, peu important que les délais stipulés au contrat pour la dénonciation de la clause par l’employeur n’aient pas été respectés, puisqu’il n’y a pas eu en l’occurrence de préavis, ni de licenciement, mais accord sur le principe et la date de la rupture, il est établi qu’à compter du 11 septembre 2015, la salariée a été informée de la volonté de l’employeur de renoncer au bénéfice de cette clause. L’arrêt en déduit que dans ces conditions, celle-ci n’est fondée à solliciter la contrepartie financière de son obligation de respecter la clause de non-concurrence que pour la période du 5 mai au 11 septembre 2015.

12. En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que la date de rupture fixée par les parties dans la convention de rupture était le 5 mai 2015, ce dont il résultait que la renonciation par l’employeur au bénéfice de la clause de non-concurrence intervenue le 11 septembre 2015 était tardive, la cour d’appel a violé les textes susvisés.»

RAPPEL : La possibilité de renoncer à l’application de la clause de non-concurrence doit être expressément prévue. Il est également nécessaire dans ce cadre de prévoir dans quel délai et selon quelles modalités cette renonciation peut être faite.

Il a d’ores et déjà été jugé que, lorsque le salarié est dispensé de l’exécution de son préavis, la renonciation à l’application de la clause de non-concurrence doit intervenir au plus tard le jour du départ effectif du salarié, peu important les stipulations conventionnelles ou contractuelles contraires (Cass. soc. 21 janvier 2015, n°13-24471)

FAITS : La salariée et la société régularisent entre elles une rupture conventionnelle du contrat de travail. Il n’est pas prévu dans ce cadre la renonciation à la clause de non-concurrence, de sorte que la salariée sollicite le versement de la contrepartie pécuniaire à cette clause ensuite de la rupture du contrat de travail.
L’employeur l’informe, ensuite de cette demande, qu’il renonce à l’application de cette clause.

APPORT : En cas de rupture conventionnelle, la renonciation à la clause de non-concurrence doit intervenir au plus tard à la date de cette rupture, peu important les stipulations conventionnelles ou contractuelles contraires.

Conduite en état d’ébriété : un licenciement disciplinaire est possible si les faits peuvent être rattachés à la vie professionnelle (Cass. soc. 19 janvier 2022, n°20-19742)

« 6. La cour d’appel a relevé que les faits visés dans la lettre de licenciement, dont le salarié ne contestait pas la matérialité, avaient été commis, alors qu’il conduisait sous l’empire d’un état alcoolique son véhicule de fonction, au retour d’un salon professionnel, où il s’était rendu sur instruction de son employeur, de sorte que les faits reprochés se rattachaient à la vie professionnelle du salarié.

7. La cour d’appel, qui n’avait pas à répondre à un moyen insusceptible d’avoir une influence sur la solution du litige ni à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.»

RAPPEL : Par principe, les faits commis par un salarié en dehors du temps de travail peuvent justifier son licenciement pour trouble objectif causé au bon fonctionnement de l’entreprise et, par suite, pour un motif non-disciplinaire.

Par exception, si les faits commis se rattachent à la vie professionnelle, un licenciement disciplinaire peut être notifié.

FAITS : Un salarié provoque un accident de la circulation avec un véhicule de fonction lors de son retour d’un salon professionnel. Il est, dans ce cadre, contrôlé comme étant en état d’ébriété.

APPORT : La notification d’un licenciement pour faute grave est possible au titre d’un accident de la circulation en dehors des horaires de travail si les faits se rattachent à la vie professionnelle.
Il en est ainsi lorsque le salarié conduisait sous l’empire d’un état alcoolique un véhicule de fonction au retour d’un salon professionnel auquel son employeur lui avait demandé de se rendre.

 

2. RELATIONS COLLECTIVES  :

Affichage du CSE et atteinte à la vie personnelle du salarié (cass. soc. 16 février 2022, n°20-14416)

« Vu l’article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’article 9 du code civil et l’article L. 2315-15 du code du travail :

4. Il résulte des textes susvisés que le respect de la vie personnelle d’un salarié n’est pas en lui-même un obstacle à l’application de l’article L. 2315-15 du code du travail, nonobstant l’obligation de discrétion à laquelle sont tenus les représentants du personnel à l’égard des informations revêtant un caractère confidentiel, dès lors que l’affichage par un membre de la délégation du personnel du comité social et économique d’informations relevant de la vie personnelle d’un salarié est indispensable à la défense du droit à la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, lequel participe des missions du comité social et économique en application de l’article L. 2312-9 du code du travail, et que l’atteinte ainsi portée à la vie personnelle est proportionnée au but poursuivi.

5. Après avoir constaté que l’e-mail litigieux adressé par le directeur d’établissement au directeur chargé des questions d’hygiène et de sécurité à qui il s’adresse personnellement et exclusivement mentionne notamment « je fais suite à notre conversation téléphonique du […] et notre conversation orale […] un tel écart dans la forme et le fond ne saurait se reproduire sans que cela vienne questionner ton aptitude […] pour la bonne forme merci de m’accuser réception de ce mail par retour » et retenu qu’il résultait du contenu et de la conclusion de ce message qu’il constituait un avertissement ou tout au moins une mise en garde de nature disciplinaire, l’arrêt en a déduit exactement qu’il constituait un élément relevant de la vie personnelle du salarié.

6. Toutefois, pour rejeter la demande de retrait de cet e-mail du panneau d’affichage du comité social et économique, l’arrêt retient que le directeur chargé des questions d’hygiène et de sécurité n’est pas intervenu volontairement à la procédure pour défendre ses droits et la société ne dispose d’aucun élément démontrant qu’il s’associe à son action en référé, que l’e-mail litigieux marque au responsable hygiène et sécurité sa réprobation aux propos qu’il a tenus dans la forme et le fond le 12 janvier 2016 mais également fixe désormais la position de la direction sur la communication au titre de l’amiante, qu’en diffusant un e-mail dans lequel la direction sanctionne son responsable sécurité pour avoir communiqué sur le sujet de l’amiante avec le secrétaire du CHSCT, dans lequel la direction lui retire tout droit à communiquer sur l’amiante sans autorisation préalable de sa hiérarchie et se réserve seule le droit de transmettre des informations, le secrétaire du CHSCT et désormais du CSE a agi dans le cadre des intérêts défendus par celui-ci, que ce sujet de l’amiante qui est de haute sécurité pour la santé des travailleurs était l’objet de toute leur inquiétude et qu’ils s’estimaient mal renseignés et mal protégés depuis de nombreuses années, qu’en conséquence l’intérêt de cet e-mail était suffisant pour justifier l’atteinte aux droits fondamentaux du salarié concerné.

7. En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à démontrer que l’affichage par un membre de la délégation du personnel du comité social et économique d’un courriel relevant de la vie personnelle d’un salarié, datant de trois années auparavant et qui concernait seulement les modalités de communication en matière de santé et de sécurité entre deux membres de la direction, était indispensable à la défense du droit à la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, lequel participe des missions du comité social et économique en application de l’article L. 2312-9 du code du travail, et que l’atteinte ainsi portée à la vie personnelle de ce salarié était proportionnée au but poursuivi, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.»

RAPPELConformément à l’article L. 2315-15 du Code du travail, les membres de la délégation du personnel du CSE peuvent faire afficher les renseignements qu’ils ont pour rôle de porter à la connaissance du personnel sur des emplacements obligatoirement prévus et destinés aux communications syndicales, ainsi qu’aux portes d’entrée des lieux de travail.
Si cet affichage n’est pas soumis à un contrôle préalable de la Direction, il doit toutefois être compatible avec certains principes et, notamment, l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, acté en droit français par l’article 9 du Code Civil « chacun a droit au respect de sa vie privée ».
La compatibilité entre ces principes sera examinée sous l’angle de l’article L. 1121-1 du Code du travail, à savoir « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. »

FAITS : Le secrétaire du CSE procède à l’affichage d’un email adressé par l’ancien Directeur de l’Etablissement au Directeur en charge des questions d’hygiène et de sécurité, dans lequel il lui reproche d’avoir communiqué avec le CSE sur les problématiques liées à l’amiante.

La société sollicite un retrait de cet affichage en se fondant tout d’abord, outre l’obligation de discrétion applicable aux membres du CSE, sur le fait que celui-ci ne respectait pas les règles applicables en la matière, à savoir : se rattacher aux missions qui sont confiées au CSE en vertu de son mandat, être strictement nécessaire à l’exercice de sa mission et présenter un caractère strictement proportionnel au but recherché.
Enfin, la société invoquait un contexte de harcèlement à l’encontre du Responsable de la sécurité.
La Cour d’Appel a rejeté cette demande de retrait de l’affichage en indiquant que le Directeur en charge de la sécurité n’était pas partie à l’instance et que l’email en cause entrait dans les attributions du CSE, à savoir la protection de la santé des salariés.

APPORT : La production d’un email induisant une atteinte à la vie personnelle du salarié doit être indispensable à la défense du droit à la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, lequel participe des missions du CSE en application de l’article L. 2312-9 du code du travail, et que l’atteinte ainsi portée à la vie personnelle de ce salarié doit être proportionnée au but poursuivi.

3. CONTRAT DE TRAVAIL :

L’autorisation de l’Inspection du travail au titre de la fin du CDD fait obstacle à la requalification de ce contrat en CDI (Cass. soc. 19 janvier 2022, n°19-18898)

« 9. Le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, en l’état d’une autorisation administrative de rupture d’un contrat à durée déterminée arrivé à son terme, en application des articles L. 2412-1 et L. 2421-8 du code du travail, devenue définitive, statuer sur une demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée.

10. Pour requalifier le contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée et condamner l’employeur à payer au salarié une somme à titre d’indemnité de requalification, l’arrêt énonce que le contrat de travail s’est poursuivi au-delà du terme prévu, à savoir la fin des vendanges, le 3 novembre 2016 et que la relation contractuelle de travail s’étant poursuivie au-delà du terme du contrat à durée déterminée, après réalisation de l’objet pour lequel il avait été conclu, celui-ci est devenu à durée indéterminée par application de l’article L. 1243-11 du code du travail.

11. En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que, par décision du ministre du travail du 28 juillet 2017, dont la légalité n’était pas contestée par voie d’exception par le salarié, la rupture du contrat de travail avait été autorisée, ce dont il résultait qu’elle n’était pas compétente pour se prononcer sur la demande de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, la cour d’appel qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le principe et les textes susvisés.»

RAPPEL : Conformément à l’article L. 2421-8 du Code du travail, l’arrivée du terme du CDD n’entraîne sa rupture qu’après constatation par l’inspecteur du travail, saisi en application de l’article L. 2412-1, que le salarié ne fait pas l’objet d’une mesure discriminatoire.

FAITS : La société avait sollicité de l’Inspection du travail une autorisation de mettre un terme au CDD du salarié à l’issue des vendanges.
L’Inspection du travail s’était déclaré incompétent, décision annulée par le Ministre du Travail sur recours grâcieux du salarié, et l’autorisation de mettre un terme au contrat a été validée par ce dernier.
Le salarié saisit ensuite la juridiction prud’homale et obtient la requalification de son contrat en CDI.

APPORT : En application du principe de séparation des pouvoirs, le Conseil de Prud’hommes n’est pas compétent pour requalifier le CDD du salarié ayant fait l’objet d’une autorisation administrative au titre de l’arrivée de son terme.

4. DUREE DU TRAVAIL :

Dépassement de la durée maximum du travail : le salarié doit être indemnisé sans que la preuve d’un préjudice soit nécessaire (Cass. soc. 26 janvier 2022, n°20-21636)

« Vu l’article L. 3121-35, alinéa 1er, du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, interprété à la lumière de l’article 6 b) de la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 :

5. Aux termes du texte susvisé, au cours d’une même semaine, la durée du travail ne peut dépasser quarante-huit heures.

6. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne que le dépassement de la durée moyenne maximale de travail hebdomadaire fixée à l’article 6, sous b), de la directive 2003/88 constitue, en tant que tel, une violation de cette disposition, sans qu’il soit besoin de démontrer en outre l’existence d’un préjudice spécifique (CJUE, 14 octobre 2010, C-243/09, Fuß c. Stadt Halle, point 53). Cette directive poursuivant l’objectif de garantir la sécurité et la santé des travailleurs par la prise d’un repos suffisant, le législateur de l’Union a considéré que le dépassement de la durée moyenne maximale de travail hebdomadaire, en ce qu’il prive le travailleur d’un tel repos, lui cause, de ce seul fait, un préjudice dès lors qu’il est ainsi porté atteinte à sa sécurité et à sa santé (CJUE,14 octobre 2010, C-243/09, Fuß c. Stadt Halle, point 54). La Cour de justice de l’Union européenne a précisé que c’est au droit national des États membres qu’il appartient, dans le respect des principes d’équivalence et d’effectivité, d’une part, de déterminer si la réparation du dommage causé à un particulier par la violation des dispositions de la directive 2003/88 doit être effectuée par l’octroi de temps libre supplémentaire ou d’une indemnité financière et, d’autre part, de définir les règles portant sur le mode de calcul de cette réparation (CJUE, 25 novembre 2010, Fuß c. Stadt Halle, C-429/09, point 94).

7. Pour débouter le salarié de sa demande en dommages-intérêts pour violation de la durée maximale du travail, l’arrêt, après avoir constaté que le salarié avait travaillé 50,45 heures durant la semaine du 6 au 11 juillet 2015, retient que celui-ci doit démontrer très exactement en quoi ces horaires chargés lui ont porté préjudice et, qu’en l’état des éléments soumis, ce préjudice n’est pas suffisamment démontré.

8. En statuant ainsi, alors que le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à la réparation, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »

RAPPEL : Hors dérogations, la durée quotidienne maximale quotidienne est de 10 heures et la durée maximale hebdomadaire est de 48 heures et ne peut excéder 44 heures sur une période quelconque de 12 semaines consécutives.

FAITS : Le salarié sollicite une indemnisation en raison de la réalisation, au cours d’une semaine donnée, d’une durée du travail de 50,45 heures.
La Cour le déboute de cette demande en l’absence de démonstration d’un préjudice.

APPORT : Si, depuis un arrêt du 13 avril 2016 (n°14-28.293), la Cour de cassation impose la démonstration, par le salarié, de son préjudice s’il sollicite réparation d’un manquement de l’employeur, des exceptions ont depuis été depuis mises en lumière par la Cour de cassation : carence fautive de représentants du personnel en cas de licenciement économique (Cass. soc. 17 octobre 2018, n°17-14392) ou l’atteinte à la vie privée du salarié (Cass. soc. 12 novembre 2020, n°19-20583).

Le non-respect de la durée légale du travail constitue une nouvelle exception à la nécessité de démontrer l’existence et l’importance du préjudice subi.

5. HYGIENE ET SECURITE :

Preuve en matière de harcèlement moral : les emails émanant du salarié doivent être pris en compte (Cass. soc. 2 mars 2022, n°20-16440)

« Vu l’article 1315, devenu l’article 1353, du code civil :

10. Selon cet article, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

11. Pour débouter le salarié de sa demande en dommages-intérêts pour harcèlement moral, l’arrêt retient que les très nombreux mails qu’il produit à l’appui de ses allégations et qu’il a rédigés lui-même ne peuvent avoir force probante dès lors que nul ne peut se constituer de preuve à soi-même.

12. En statuant ainsi, sans examiner le contenu des pièces produites, alors que le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même n’est pas applicable à la preuve d’un fait juridique, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »

RAPPEL : La charge de la preuve de l’existence de faits de harcèlement moral repose sur le salarié qui se prétend victime de tels actes.

FAITS : Le salarié, pour démontrer l’existence de faits de harcèlement moral, produit des emails rédigés par ses soins.
La Cour d’Appel juge que le salarié, ne pouvant se constituer des preuves à lui-même, ne démontre pas la réalité du harcèlement moral invoqué.

APPORT : Les juridictions doivent prendre en compte, dans leur analyse, les emails produits par le salarié s’estimant victime de harcèlement moral, et ce même si ces emails émanent de lui-même.

Actualités légales et réglementaires

La Loi n°2022-219 du 21 février 2022 : modalités de recours au congé adoption et au congé d’arrivée d’un enfant adopté au sein du foyer

Pour rappel, le congé d’arrivée d’un enfant adopté au sein du foyer est de 3 jours sans que son délai de prise ne soit fixé par le Code du travail.

La loi précitée prévoit l’intervention d’un décret qui fixera donc ce délai.

Le congé d’adoption, qui est l’équivalent du congé maternité, doit actuellement démarrer à l’arrivée de l’enfant adopté au foyer ou dans les 7 jours consécutifs précédents. L’article L. 1225-37 du Code du travail est modifié sur ce point et renvoie à un décret le soin de préciser le délai dans lequel doit être pris ce congé.

Il sera en outre possible de fractionner ce congé selon des modalités devant être précisées par décret.

Enfin, la loi clarifie les règles applicables en matière de partage du droit à congé entre les parents.

Ainsi, jusqu’à la loi précitée, le congé pouvait être fractionné entre les parents en 2 périodes dont la plus courte devait au moins être égale à 25 jours.

A présent, le congé que pourra prendre chacun des parents ne pourra pas dépasser la durée prévue pour un seul parent hors partage, à savoir 16 semaines pour les 2 premiers enfants,18 semaines en cas d’adoption portant à au moins 3 le nombre d’enfants au foyer et 22 semaines en cas d’adoptions multiples.

La Loi 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte :

Définition du lanceur d’alerte :

La loi du 21 mars 2022 modifie la définition du lanceur d’alerte, lequel est à présent « est une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, du Droit de l’Union européenne, de la loi ou du règlement ».

Procédure de signalement :

La procédure de signalement de l’alerte est également modifiée.

Ainsi à compter du 1er septembre 2022, le lanceur d’alerte aura le choix entre avertir son supérieur hiérarchique/référent ou directement notamment auprès de l’autorité judiciaire et du défenseur des droits.

La possibilité pour le lanceur d’alerte de rendre son alerte publique sans passer par un signalement interne ou externe est également élargie. 

Alors que cette possibilité est actuellement ouverte en cas de danger imminent ou manifeste pour l’intérêt général, notamment en cas de situation d’urgence ou de risque de préjudice irréversible, elle pourra à présent être utilisée par le salarié en cas de : 

  • en cas de danger grave et imminent,
  • en cas de danger imminent ou manifeste pour l’intérêt général, notamment s’il existe une situation d’urgence ou un risque de préjudice irréversible,
  • si la saisine de l’autorité compétente fait courir un risque de représailles au lanceur d’alerte ou qu’elle risque de ne pas mettre efficacement fin à la violation.

Mise à jour du Règlement Intérieur :

Les entreprises d’au moins 50 salariés devront compléter leur Règlement Intérieur pour y inscrire l’existence du dispositif de protection des lanceurs d’alerte mis en place. 

Rupture du contrat de travail du lanceur d’alerte :

En cas de rupture du contrat de travail du salarié lanceur d’alerte, le Conseil des Prud’hommes pourra notamment condamner l’employeur à abonder le CPF du salarié jusqu’à 8 000 euros. 

Les modalités de cette sanction seront fixées dans le cadre d’un futur décret.

Protection des personnes ayant dénoncé des faits de harcèlement :

Les articles L. 1152-2 et L. 1153-2 du Code du travail précisent désormais qu’aucune personne ayant subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou de harcèlement sexuel ou ayant, de bonne foi, relaté ou témoigné de tels agissements ne peut faire l’objet des mesures de rétorsion mentionnées à l’article L. 1121-2.

Plus particulièrement, concernant le harcèlement sexuel, il est désormais précisé que les propos ou comportements à connotation sexuelle n’ont pas à être répétés pour que la protection s’applique.

En outre, le nouvel article L.1121-2 (entrant en vigueur le 1er septembre 2022) vient préciser la protection des personnes ayant subi ou refusé de subir ou dénonçant des faits de harcèlement moral ou sexuel qui était jusqu’alors contenu au sein des articles L. 1152-2 et L. 1153-2. 

A  ce titre, il convient également de préciser qu’une nouvelle protection est attribuée au salarié face aux mesures de représailles, telles que prévues à l’article 10-1 de la loi 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. 

Ainsi, par renvoi à cette loi, le salarié bénéficie désormais, par exemple, de la possibilité de contraindre son employeur à abonder son compte personnel de formation. 

Alerte en matière d’environnement ou de santé publique :

La loi offre désormais la possibilité aux salariés et aux représentants du personnel de recourir au dispositif de signalement ou de divulgation publique, s’ils estiment, de bonne foi, que les produits ou procédés de fabrication utilisés ou mis en œuvre par l’établissement font peser un risque grave pour la santé publique ou l’environnement.

Le décret 2022-243 du 25 février 2022 : sur les modalités de publication de l’index de l’égalité professionnelle

La loi n°2018-771 du 5 septembre 2018 a institué l’obligation pour les entreprises d’au moins 50 salariés (avec des dates d’entrée en vigueur distinctes selon l’effectif) de publier sur le site internet, au plus tard le 1er mars de chaque année, les indicateurs relatifs aux écarts de rémunération entre les hommes et les femmes.

La loi 2021-1774 du 24 décembre 2021 a complété ce dispositif en ajoutant que l’ensemble des indicateurs relatifs aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes doivent être publiés sur le site du Ministère du travail.

Le décret précité précise que la publication de ces informations est actualisée sur le site du Ministère du travail chaque année au plus tard le 31 décembre par les services du ministre chargé du travail (article D.1142-4 du Code du travail).

Les obligations de publication sur le site internet de la société sont également précisées comme suit :

  • Pour les entreprises dont le niveau de résultat de l’index est inférieur à 75 points : les mesures de correction et de rattrapage doivent être publiées sur le site internet de l’entreprise à la même page que celle présentant le niveau de résultat de l’index et des indicateurs.
    A ce titre, les entreprises qui ont obtenu en 2022, au titre de l’année 2021, un niveau de résultat inférieur au seuil de 75 points ont jusqu’au 1er septembre 2022 pour publier les mesures de correction et de rattrapage et les porter à la connaissance des salariés par tout moyen.
  • Les objectifs de progression que l’employeur doit fixer pour chacun des indicateurs doivent également être publiés sur la même page que le résultat de l’index et restent consultables sur le site internet de l’entreprise jusqu’à ce que celle-ci obtienne un niveau de résultat au moins égal à 85 points.
    A ce titre, les entreprises qui ont obtenu en 2022, au titre de l’année 2021, un niveau de résultat inférieur au seuil de 85 points peuvent fixer et publier les objectifs de progression jusqu’au 1er septembre 2022.

Ces données doivent également être transmises à la Dreets par télédéclaration et mises à la disposition du CSE par le biais de la BDESE.

Les décrets d’application de la loi Santé au Travail du 2 août 2021 :

Document Unique d’Evaluation des Risques Professionnels (DUER) et prise en charge des dépenses en matière de formation santé, sécurité et conditions de travail des membres du CSE : Décret 2022-395 du 18 mars 2022

La loi du 2 août 2021 a fixé de nouvelles règles en matière de DUER. 

Le décret précise les règles d’élaboration, de mise à jour, de conservation et de mise à disposition du DUER :

  • l’article R. 4121-2 du Code du travail est modifié au titre des conditions de mise à jour du DUER et prévoit à présent que cette actualisation est réalisée notamment :
    • chaque année pour les entreprises d’au moins 11 salariés,
    • lorsqu’une information intéressant l’évaluation d’un risque est portée à la connaissance de l’employeur (suppression de la mention d’unité de travail).
  • les modalités de mise à jour du programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail (dans les entreprises d’au moins 50 salariés) ou ou des actions de prévention des risques et de protection des salariés (dans les entreprises de moins de 50 salariés) sont précisées : cette actualisation est réalisée à chaque mise à jour du DUER, si nécessaire.
  • le DUER et ses versions antérieures doivent être tenus à disposition des intéressés, pendant une durée de 40 ans à compter de leur élaboration,
  • le DUER doit faire l’objet d’un dépôt dématérialisé avant une date qui sera fixée par décret en fonction de l’effectif de l’entreprise.

Par ailleurs, ce décret précise que les dépenses engagées par les entreprises de moins de 50 salariés au titre de la formation santé, sécurité et conditions de travail des membres du CSE peuvent être prises en charge par l’opérateur de compétences (Opco).

Visite de reprise et de préreprise : Décret n°2022-372 du 16 mars 2022 :

Les durées d’absence ouvrant droit au bénéfice d’une visite de reprise ou d’une visite de préreprise sont modifiées par le décret précité :

  • les visites de reprise concernant les arrêts de travail débutant après le 31 mars 2022, à la suite d’un accident ou d’une maladie d’origine non-professionnelle, doivent être organisées à partir d’au moins 60 jours d’absence (contre 30 jours auparavant),
  • les visites de préreprise peuvent être organisées, pour les arrêts de travail débutant après le 31 mars 2022, après une absence d’au moins 30 jours (auparavant au moins 3 mois).
    Pour rappel, pour les arrêts de travail commençant après le 31 mars 2022, l’employeur doit informer le travailleur de la possibilité pour celui-ci de solliciter l’organisation de l’examen de préreprise.

Rendez-vous de liaison : Décret n°2022-373 du 16 mars 2022 :

Le rendez-vous de liaison, créé par la loi Santé au Travail, a pour objet d’informer le salarié qu’il peut bénéficier d’actions de prévention de la désinsertion professionnelle, d’un examen de préreprise et de mesures d’aménagement du poste et du temps de travail.

Le décret précise que ce rendez-vous peut être organisé à compter d’une absence d’au moins 30 jours.

Une nouvelle recrue

Le Cabinet SOCOS a accueilli le 4 avril dernier Louis MEARY.

Après un Master 1 et un Master 2 Droit Social à l’IETL (Université Lyon 2), Louis se destine à la profession d’avocat en droit social et préparera le CRFPA à compter de septembre 2022.

Louis nous rejoint pour un stage de 3 mois.

Bienvenue Louis !

Formations

SOCOS bénéficiant de la certification Qualiopi vous accompagne pour actualiser vos connaissances en droit social :

La meilleure façon de prédire l’avenir est de le créer _P DRUCKER

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