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Liberté d’expression et licenciement

SAUF ABUS, LE SALARIE BENEFICIE D’UNE LIBERTE D’EXPRESSION

Le salarié dispose, dans et en dehors de l’entreprise, d’une liberté d’expression.

Sauf abus, l’employeur ne peut donc le sanctionner de ce fait.

Le licenciement notifié au salarié pour un usage non abusif de sa liberté d’expression est nul.

Cette sanction est jurisprudentielle.

Le Code du travail ne prévoyait pas la nullité du licenciement pour violation de la liberté d’expression.

La liberté d’expression étant une liberté fondamentale, sa violation a toujours entrainé, selon la Cour de cassation, la nullité du licenciement.

A présent, l’article L. 1235-3-1 du Code du travail prévoit expressément la nullité du licenciement pour violation d’une liberté fondamentale.

ABSENCE D’ABUS DANS LA LIBERTE D’EXPRESSION

Le licenciement du salarié en raison notamment de critiques vis-à vis de la société doit être justifié par une situation d’abus.

A défaut de pouvoir démontrer cette situation, le licenciement est nul.

L’arrêt du 29 juin 2022 s’inscrit dans cette droite ligne.

Le Directeur Général d’une société roumaine, filiale d’un Groupe, est licencié pour faute grave.

Plus spécifiquement, il lui est reproché d’avoir proféré de multiples accusations graves contre la société.

Or, le salarié avait, en premier lieu, alerté la société sur de graves dysfonctionnements ainsi que le non-respect de la législation du travail.

Sans réponse à cette alerte, il avait adressé ces mêmes critiques par courrier du 23 décembre 2016 au Président du Directoire du Groupe.

La Cour ne relève pas d’abus du salarié: les termes employés n’étaient ni injurieux, ni excessifs, ni diffamatoires à l’endroit de l’employeur et du supérieur hiérarchique.

De ce fait, le licenciement devait être requalifié en licenciement nul.

EXAMEN DES AUTRES GRIEFS

Les autres griefs de licenciement ne sont pas examinés.

Le licenciement étant prononcé en violation de la liberté d’expression, cela entraîne nécessairement sa nullité. Il n’est ainsi pas nécessaire d’examiner les autres motifs à l’appui du licenciement.

Le litige en cause date de 2016.

Cette logique ne devrait plus s’appliquer de la même manière pour des litiges postérieurs.

En effet, l’article L. 1235-2-1 du Code du travail issu de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 a modifié les règles applicables.

A présent, en cas de pluralité de motifs de licenciement, si l’un des griefs reprochés au salarié porte atteinte à une liberté fondamentale, la nullité encourue de la rupture ne dispense pas le juge d’examiner l’ensemble des griefs énoncés.

Il doit en tenir compte, le cas échéant, dans l’évaluation qu’il fait de l’indemnité à allouer au salarié.

Ainsi, la nullité sera prononcée mais l’indemnisation pourra être seulement du minimum prévu en cette hypothèse (6 mois) au regard des autres griefs potentiellement justifiés.

 

QUAND LA LIBERTE D’EXPRESSION DEGENERE EN ABUS

Plusieurs critères peuvent être pris en compte pour déterminer si un abus peut être caractérisé.

Il peut être pris en compte la publicité des propos.

Ainsi, la manifestation systématique publique par un Directeur technique de son opposition avec les décisions prises par la société constitue un abus de la liberté d’expression. (Cass. soc. 11 février 2009, n°07-44127)

De la même manière, la diffusion de messages sur les réseaux sociaux peut constituer un abus de la liberté d’expression tant au regard de leur publicité qu’au regard de leur contenu.

Par exemple, un Cadre ayant tenu des propos qualifiés de déloyaux et malveillants (critiques salariales, dénonciation de turn over, conditions de travail…) sur un site internet public a pu faire l’objet d’un licenciement pour faute grave. (Cass. soc. 11 avril 2018, n°16-18590).

Enfin, il est tenu compte du caractère contestable des propos, tel que leur caractère sexiste.

Ainsi, un animateur de télévision plaisantant sur les femmes battues à l’antenne et réitérant ses propos peut être licencié de ce fait.

La sanction est jugée proportionnée au but recherché, à savoir la lutte contre les violences faites aux femmes. (Cass. soc. 20 avril 2022, n°20-10852)

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