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Santé / Sécurité


  • L’action en inopposabilité d’une décision de prise en charge d’un accident du travail / d’une maladie professionnelle est soumise à la prescription de 5 ans (Cass. 2e civ. 28 janvier 2021 n° 19-25.722)

« 8. Ni l’indépendance des rapports entre, d’une part, la caisse et la victime et d’autre part, la caisse et l’employeur, ni le particularisme du recours ouvert à l’employeur pour contester la décision d’une caisse primaire de reconnaître le caractère professionnel d’un accident, d’une maladie ou d’une rechute ne justifient que ce recours ne puisse constituer une action en justice et que, dès lors, il ne soit pas soumis à un délai de prescription.

9. Il y a lieu, en conséquence, de considérer qu’en l’absence de texte spécifique, l’action de l’employeur aux fins d’inopposabilité de la décision de la caisse de reconnaissance du caractère professionnel de l’accident, de la maladie ou de la rechute est au nombre des actions qui se prescrivent par cinq ans en application de l’article 2224 du code civil.

10. Pour rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la caisse et dire recevable l’action de l’employeur, l’arrêt retient que l’action diligentée par l’employeur en contestation de la décision de prise en charge d’une maladie professionnelle ne constitue pas une action personnelle ou mobilière au sens de l’article 2224 du code civil, de sorte que la prescription de droit commun de cinq ans ne lui est pas applicable.

11. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »

RAPPEL : Depuis un arrêt du 9 mai 2019 (cass. civ. 2, 9 mai 2019, n°18-10909), la Cour de cassation jugeait que l’action en inopposabilité n’était pas soumise à un délai de prescription dès lors qu’elle ne constituait pas une action au sens de l’article 2224 du Code Civil.

Cette position avait été critiquée par la doctrine en ce qu’elle conduisait à une imprescriptibilité de cette action.

APPORT : La prescription d’une action en inopposabilité est à présent soumise à la prescription de 5 ans.


  • Le droit aux titres restaurant en télétravail : des décisions contraires :

Tribunal Judiciaire de Nanterre, 10 mars 2021, n°20/09616

« L’article L 3262-1 du code du travail définit le ticket restaurant comme « un titre spécial de paiement remis par l’employeur aux salariés pour leur permettre d’acquitter en tout ou partie le prix du repas consommé au restaurant ou acheté auprès d’une personne ou d’un organisme mentionné (…) ».

L’article 3.4 de l’accord sur le télétravail du 25 octobre 2019 conclu au sein de l’UES prévoit que « conformément aux dispositions légales, le collaborateur en télétravail doit disposer, à son domicile d’un espace de travail dédié et adapté permettant d’y installer l’équipement informatique et téléphonique [fournis par l’entreprise – article 8.1] ainsi que l’aménagement ergonomique du poste de travail ».

L’article 4 de l’accord national interprofessionnel relatif au télétravail du 19 juillet 2005 dispose que “Les télétravailleurs bénéficient des mêmes droits et avantages légaux et conventionnels que ceux applicables aux salariés en situation comparable travaillant dans les locaux de l’entreprise.”

L’article 11 de cet accord cité par le syndicat est relatif aux droits collectifs, c’est-à-dire aux « relations avec les représentants du personnel et l’accès aux informations syndicales,» et ne peut être invoqué à l’appui de la demande relative aux tickets restaurant.

L’ANI du 26 novembre 2020 sur le télétravail ne comporte aucune disposition sur les tickets restaurant.

En l’espèce, les directions des Groupes Malakoff Médéric et Humanis ont décidé avant leur fusion d’attribuer des tickets restaurant aux salariés affectés sur un site non doté d’un restaurant d’entreprise ou inter-entreprises placés en télétravail. Comme nombre d’entreprises, les entités composant l’UES Malakoff Humanis ont placé à compter du 17 mars 2020, la plupart de leurs salariés en télétravail en raison de l’état d’urgence sanitaire instauré en raison de la pandémie de coronavirus Covid-19. Depuis cette date, l’UES n’attribue plus de tickets restaurants aux salariés de l’entreprise affectés sur un site non doté d’un restaurant d’entreprise et placés en télétravail.

Le titre restaurant est un avantage consenti par l’employeur qui ne résulte d’aucune obligation légale. La loi ne définit pas ses conditions d’attribution si ce n’est que le repas du salarié pris en charge doit être compris dans son horaire de travail journalier.

Il n’est pas contestable que les télétravailleurs doivent bénéficier des tickets restaurant si leurs conditions de travail sont équivalentes à ceux travaillant sur site sans restaurant d’entreprise (RE ou RIE). Pour autant, l’objectif poursuivi par l’employeur en finançant ces titres de paiement en tout ou en partie, est de permettre à ses salariés de faire face au surcoût lié à la restauration hors de leur domicile pour ceux qui seraient dans l’impossibilité de prendre leur repas à leur domicile.

En l’occurrence, les salariés de l’UES, placés en télétravail, le sont à leur domicile et ne peuvent donc prétendre, en l’absence de surcoût lié à leur restauration hors de leur domicile, à l’attribution de tickets restaurant. De ce fait, la situation des télétravailleurs et celle des salarié s travaillant sur site qui n’ ont pas accès à un restaurant d’entreprise et auxquels sont remis des tickets restaurant ne sont pas comparables de sorte que la fédération requérante ne peut valablement soutenir que faute de remise de tickets restaurant, les télétravailleurs ne bénéficieraient pas des mêmes droits et avantages légaux et conventionnels que les salarié s travaillant sur site. »

Tribunal Judiciaire de Paris, 30 mars 2021, n°20/09805

« En effet, d’une part, aux termes mêmes de l’article L.1222-9 du code du travail, le télétravail désigne toute forme d’organisation du travail effectué par un salarié hors des locaux de l’employeur qui utilise les technologies de l’information et de la communication, ce qui n’implique pas pour le salarié de se trouver à son domicile ni de disposer d’un espace personnel pour préparer son repas.

En outre, d’autre part, l’objet du titre-restaurant est de permettre au salarié de se restaurer lorsqu’il accomplit son horaire de travail journalier comprenant un repas, mais non sous condition qu’il ne dispose pas d’un espace personnel pour préparer celui-ci.

Cet objet découle directement des dispositions de l’article L.3262-1 du code du travail selon lesquelles : « Le titre-restaurant est un titre spécial de paiement remis par l’employeur aux salariés pour leur permettre d’acquitter en tout ou en partie le prix du repas consommé au restaurant ou acheté auprès d’une personne ou d’un organisme mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 3262-3. Ce repas peut être composé de fruits et légumes, qu’ils soient ou non directement consommables. (…) » et de l’article R.3262-7 qui dispose que : « Un même salarié ne peut recevoir qu’un titre-restaurant par repas compris dans son horaire de travail journalier ».

Les dispositions des articles précitées s’appliquent aux entreprises qui ont fait le choix de distribuer des titres restaurant aux salariés, ce qui est bien le cas en l’espèce pour la société SERVICES PETROLIERS SCHLUMBERGER et, dans cette hypothèse, le texte réglementaire prévoit qu’un même salarié « ne peut » recevoir qu’un titre-restaurant par repas compris dans son horaire de travail journalier, ce qui n’autorise pas l’employeur, faute pour le gouvernement d’avoir utilisé le verbe « devoir », de déterminer librement parmi les salariés lesquels peuvent bénéficier de cet avantage en nature.

Ensuite, la société SERVICES PETROLIERS SCHLUMBERGER allègue que la réglementation et les conditions d’utilisation des titres-restaurants ne sont pas compatibles avec la situation du télétravailleur. Elle souligne sur ce point que l’usage du titre-restaurant est restreint à certains établissements, à proximité du lieu de travail et sur les jours de travail, ce qui empêche que ces titres soient utilisés pendant le temps libre du salarié, et notamment lorsque le salarié est chez lui. Elle précise ici que le salarié ne peut pas utiliser un titre-restaurant pour acheter autre chose qu’un repas en restaurant, ou un repas directement consommable (même si celui-ci doit être décongelé) ou des fruits et légumes même non directement consommables, ce qui exclut que le salarié s’en serve pour financer ses courses de la semaine.

Les conditions d’utilisation des titres restaurant sont détaillés à l’article L.3262-3, alinéa 2, du code du travail selon lequel « Sous réserve des dispositions des articles L. 3262-4 et L. 3262-5, ils ne peuvent être débités qu’au profit de personnes ou d’organismes exerçant la profession de restaurateur, d’hôtelier restaurateur ou une activité assimilée, ou la profession de détaillant en fruits et légumes. » et par l’article R.3262-4 du code du travail qui dispose que : « Les titres-restaurant ne peuvent être utilisés que dans les restaurants et auprès des organismes ou entreprises assimilés ainsi qu’auprès des détaillants en fruits et légumes, afin d’acquitter en tout ou en partie le prix d’un repas. Ce repas peut être composé de préparations alimentaires directement consommables, le cas échéant à réchauffer ou à décongeler, notamment de produits laitiers. Il peut également être composé de fruits et légumes, qu’ils soient ou non directement consommables. ».

Au contraire de ce qui est soutenu par l’employeur, les conditions d’utilisation des titres restaurant sont tout à fait compatibles avec l’exécution des fonctions en télétravail puisqu’elles ont pour principe directeur de permettre au salarié de se restaurer lorsque son temps de travail comprend un repas, et qu’à ce titre les télétravailleurs se trouvent dans une situation équivalente à celle des salariés sur site. La distinction est là encore inopérante.

Enfin, le fait que l’accord national interprofessionnel relatif au télétravail du 26 novembre 2020 ne comporte aucune mention expresse quant à la restauration des salariés en télétravail ne saurait permettre de conclure que l’employeur ne dispose d’aucune obligation d’attribuer des tickets restaurant aux salariés en télétravail.

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que la société SERVICES PETROLIERS SCHLUMBERGER ne justifie pas de ce que les télétravailleurs se trouvent dans une situation distincte en raison notamment des conditions d’exercice de leurs fonctions de sorte que le refus de leur attribuer des titres restaurant ne repose sur aucune raison objective en rapport avec l’objet des titres restaurant.

Cela a d’ailleurs été précisé par la Ministre du travail, dans le cadre d’une question-réponse intitulée « Télétravail en période de COVID » du 20 mars 2020 publiée sur le site du Ministère, dans laquelle il a été indiqué que « dès lors que les salariés exerçant leur activité dans les locaux de l’entreprise bénéficient des titres-restaurant, les télétravailleurs doivent aussi en recevoir si leurs conditions de travail sont équivalentes ».

En conséquence, il sera jugé que les salariés en situation de télétravail au sein de la société SERVICES PÉTROLIERS SCHLUMBERGER doivent bénéficier des titres-restaurant pour chaque jour travaillé au cours duquel le repas est compris dans leur horaire de travail journalier. »

APPORT : les deux juridictions se sont prononcées, à quelques semaines d’écart, sur une même problématique mais de manière pour autant parfaitement distincte.

Il peut toutefois être constaté que, dans le jugement du Tribunal Judiciaire de Paris, un argument n’a pas été étudié, à savoir le fait que le salarié n’est pas dans une situation identique à celle du salarié travaillant sur site sans restaurant d’entreprise. En effet, le télétravailleur ne supporte aucun surcoût lié à sa restauration dès lors qu’il est à son domicile.

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