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Preuve


  • La production par l’employeur d’un message privé Facebook du salarié constitue une atteinte à la vie privée de ce dernier et lui ouvre droit au versement de dommages et intérêts (cass. soc. 12 novembre 2020, n°19-20583)

« Vu l’article 9 du code civil :

5. Selon ce texte, chacun a droit au respect de sa vie privée ; les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée.

6. Pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts résultant de l’atteinte à la vie privée causée par la production dans le cadre du litige, d’un message adressé à une autre salariée sur le réseau Facebook, l’arrêt retient que la production du message privé litigieux, si elle n’était pas indispensable à l’exercice du droit à la preuve, n’a causé aucun préjudice à Mme G. 

7. En statuant ainsi, alors que la seule constatation de l’atteinte à la vie privée ouvre droit à réparation, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »

RAPPEL : La Cour de cassation juge, depuis 2016, que le non-respect d’une obligation par l’employeur ne cause pas nécessairement un préjudice au salarié, ce préjudice devant être démontré tant dans son existence que dans son quantum (Cass. soc., 13 avr. 2016, n° 14-28.293)

FAITS : Dans le cadre d’un litige, un employeur produit un message privé Facebook de sa salariée à une de ses collègues de travail. La salariée sollicite une indemnisation à ce titre pour atteinte à sa vie privée.

APPORT : L’atteinte à la vie privée du salarié ouvre nécessairement droit à une réparation.


  • La production d’une preuve illicite ne doit pas nécessairement être rejetée (cass. soc. 25 novembre 2020, n°17-19523)

« 11. Les adresses IP, qui permettent d’identifier indirectement une personne physique, sont des données à caractère personnel, au sens de l’article 2 de la loi n° 78 17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, de sorte que leur collecte par l’exploitation du fichier de journalisation constitue un traitement de données à caractère personnel et doit faire l’objet d’une déclaration préalable auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés en application de l’article 23 de la loi précitée.

12. Toutefois, ainsi que la Cour l’a déjà jugé (Soc., 9 novembre 2016, pourvoi n° 15 10.203, Bull. 2016, V, n° 209), le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit nécessaire à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi. De même, elle a déjà jugé (Soc., 31 mars 2015, pourvoi n° 13 24.410, Bull. 2015, V, n° 68), qu’un salarié ne peut s’approprier des documents appartenant à l’entreprise que s’ils sont strictement nécessaires à l’exercice des droits de sa défense dans un litige l’opposant à son employeur, ce qu’il lui appartient de démontrer.

13. Il résulte par ailleurs de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, s’agissant plus particulièrement de la surveillance des employés sur le lieu de travail, qu’elle a estimé que l’article 8 de la Convention de sauvegarde de droits de l’homme et des libertés fondamentales laissait à l’appréciation des États le choix d’adopter ou non une législation spécifique concernant la surveillance de la correspondance et des communications non professionnelles des employés (CEDH, Barbulescu, 5 sept. 2017, n° 61496/08, (§ 119). Elle a rappelé que, quelle que soit la latitude dont jouissent les États dans le choix des moyens propres à protéger les droits en cause, les juridictions internes doivent s’assurer que la mise en place par un employeur de mesures de surveillance portant atteinte au droit au respect de la vie privée ou de la correspondance des employés est proportionnée et s’accompagne de garanties adéquates et suffisantes contre les abus (Barbulescu, précité, (§ 120).

14. La Cour européenne des droits de l’homme a jugé également que, pour déterminer si l’utilisation comme preuves d’informations obtenues au mépris de l’article 8 ou en violation du droit interne a privé le procès du caractère équitable voulu par l’article 6, il faut prendre en compte toutes les circonstances de la cause et se demander en particulier si les droits de la défense ont été respectés et quelles sont la qualité et l’importance des éléments en question (CEDH, 17 oct. 2019, Lopez Ribalda, n° 1874/13 et 8567/13, (§ 151).

15. Enfin, aux termes de l’article 13. 1 g) de la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, applicable à l’époque des faits, les États membres peuvent prendre des mesures législatives visant à limiter la portée des obligations et des droits prévus à l’article 6 paragraphe 1, à l’article 10, à l’article 11 paragraphe 1 et aux articles 12 et 21, lorsqu’une telle limitation constitue une mesure nécessaire pour sauvegarder la protection de la personne concernée ou des droits et libertés d’autrui.

16. Il y a donc lieu de juger désormais que l’illicéité d’un moyen de preuve, au regard des dispositions de la loi n° 78 17 du 6 janvier 1978 modifiée par la loi n° 2004 801 du 6 août 2004, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur du Règlement général sur la protection des données, n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. »

RAPPEL : Jusqu’au 24 mai 2018, les entreprises étaient soumises à une obligation de déclaration préalable à la CNIL au titre de tout traitement automatisé de données à caractère personnel.

FAITS : Un salarié fait l’objet d’un licenciement pour faute grave en raison de la transmission à une entreprise cliente et concurrente de son employeur de demandes de renseignements en usurpant l’identité de sociétés clientes.

La preuve de ces faits résultait d’un constat d’huissier et de l’intervention d’un expert informatique ayant identifié, via l’exploitation des fichiers de journalisation conservés sur ses serveurs, l’adresse IP à partir de laquelle les messages litigieux ont été envoyés, comme étant celle de ce salarié.

Le salarié conteste la licéité de cette preuve dès lors qu’elle n’avait pas fait l’objet d’une déclaration préalable à la CNIL.

APPORT : La production d’un moyen de preuve illicite ne conduit pas nécessairement à son rejet. Le juge du fond doit établir, dans le cadre d’un contrôle de proportionnalité si l’atteinte portée à la vie personnelle du salarié par une telle production est justifiée au regard du droit à la preuve de l’employeur. Plus spécifiquement, la Cour juge que cette production doit être indispensable à l’exercice de ce droit.

Attention : la production pouvait être jugée licite auparavant si elle était nécessaire à l’exercice de ce droit (cass. soc. 9 novembre 2016, n°15-10203). La Cour de cassation restreint cette possibilité en jugeant qu’elle doit à présent être indispensable.


  • La production d’un extrait du mur privé Facebook d’un salarié peut être justifiée si elle est indispensable (cass. soc. 30 septembre 2020, n°19-12058)

« 5. D’abord, si en vertu du principe de loyauté dans l’administration de la preuve, l’employeur ne peut avoir recours à un stratagème pour recueillir une preuve, la cour d’appel, qui a constaté que la publication litigieuse avait été spontanément communiquée à l’employeur par un courriel d’une autre salariée de l’entreprise autorisée à accéder comme « amie » sur le compte privé Facebook de Mme X…, a pu en déduire que ce procédé d’obtention de preuve n’était pas déloyal.

6. Ensuite, il résulte des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et 9 du code de procédure civile, que le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi.

7. La production en justice par l’employeur d’une photographie extraite du compte privé Facebook de la salariée, auquel il n’était pas autorisé à accéder, et d’éléments d’identification des « amis » professionnels de la mode destinataires de cette publication, constituait une atteinte à la vie privée de la salariée.

8. Cependant, la cour d’appel a constaté que, pour établir un grief de divulgation par la salariée d’une information confidentielle de l’entreprise auprès de professionnels susceptibles de travailler pour des entreprises concurrentes, l’employeur s’était borné à produire la photographie de la future collection de la société publiée par l’intéressée sur son compte Facebook et le profil professionnel de certains de ses « amis » travaillant dans le même secteur d’activité et qu’il n’avait fait procéder à un constat d’huissier que pour contrecarrer la contestation de la salariée quant à l’identité du titulaire du compte.

9. En l’état de ces constatations, la cour d’appel a fait ressortir que cette production d’éléments portant atteinte à la vie privée de la salariée était indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi, soit la défense de l’intérêt légitime de l’employeur à la confidentialité de ses affaires. »

RAPPEL : La Cour de cassation avait pu juger qu’était illicite l’extraction, via le compte Facebook d’un collègue de travail, des publications privées d’un salarié (cass. soc. 20 décembre 2017, n°16-19609)

FAITS : Une salariée publie une photographie d’une collection de mode non encore rendue publique sur son mur Facebook accessible uniquement à ses amis. L’employeur la licencie pour faute grave compte tenu de cette publication accessible à d’autres salariés de la société ainsi qu’à des entreprises concurrentes.

La salariée conteste son licenciement en faisant valoir l’illicéité de la preuve compte tenu du caractère privé de cette publication.

APPORT : si, par principe, la production d’éléments issus de publications Facebook privées est illicite, celle-ci ne peut faire l’objet d’un rejet si elle est indispensable à l’exercice du droit de la preuve et proportionnée au but poursuivi.