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ENQUETE HARCELEMENT : COMMENT LA SECURISER ?

Lorsque des faits de harcèlement sont dénoncés, une enquête est menée pour déterminer si les accusations sont réelles.

Cette enquête peut ensuite servir de base à la notification d’une éventuelle sanction à l’encontre des auteurs des faits.

A ce titre, il est indispensable que l’enquête soit régulière et, par suite, puisse être prise en compte par les juridictions en cas de contentieux.

1. L’enquête interne : une obligation pour l’employeur ?

L’employeur, lorsqu’il est informé de faits susceptibles de revêtir la qualification de harcèlement (moral ou sexuel) doit immédiatement prendre des mesures et notamment diligenter une enquête afin de vérifier la réalité des faits allégués (Cass. soc. 27 novembre 2019, n°18-10.551)

L’enquête n’est pas la seule option possible même si elle reste fortement recommandée puisqu’elle permettra à l’employeur d’avoir une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits et ainsi de prendre les mesures appropriées.

L’employeur peut également démontrer qu’il a pris des mesures suffisantes pour assurer la protection de la santé et de la sécurité de ses salariés au titre de ses obligations en la matière, et ce même s’il n’a pas initié une enquête interne (Cass. soc. 12 juin 2024, n°23-13.975)

Dans cet arrêt, l’employeur avait, ensuite de la dénonciation de faits de harcèlement reprochés à une collègue de travail, pris position dans ce différend puis répondu à une nouvelle demande de la salariée, Directrice des Ressources Humaines, qui s’estimait victime de ces agissements en lui apportant l’ensemble des éclaircissements demandés.

La Cour de cassation a estimé que, malgré l’absence d’enquête interne, l’employeur a pris les mesures suffisantes et n’a donc pas manqué à son obligation de sécurité.

Attention toutefois l’enquête interne demeure, dans la majorité des cas, indispensable dès lors qu’il est nécessaire de déterminer si les faits reprochés sont exacts ou non et s’ils peuvent être qualifiés de harcèlement ainsi que leur ampleur.

2. Quels sont les principes à respecter ?

Actuellement, le Code du travail ne prévoit aucune disposition relative aux enquêtes internes ni aux modalités de conduite de celles-ci.

La jurisprudence a donc été amenée à se prononcer sur les principes devant être respectés lors d’enquêtes internes.

A ce titre, la Cour de cassation a pu juger que l’enquête pour harcèlement doit être menée avec discrétion et de manière impartiale.

Sur ce dernier point, elle juge que constitue une enquête partiale l’enquête au cours de laquelle seuls les témoins de la victime présumée sont entendus (Cass. soc. 9 février 2012, n°10-26.123)

La Défenseure des Droits, dans sa décision du 5 février 2025, après avoir rappelé ces principes, recommande que “le principe de stricte confidentialité, en tant que droit mais aussi en tant que devoir, soit rappelé par écrit à l’ensemble des personnes concernées et qu’une attestation de confidentialité soit signée par les personnes auditionnées ainsi que par les enquêteurs” (Décision de la Défenseure des Droits du 5 février 2025 -recommandation 19)

De la même manière, l’Accord national interprofessionnel du 26 mars 2010 relatif au harcèlement et à la violence au travail (art.4.2) rappelle que l’enquête doit suivre notamment les principes suivants :

  • Agir avec la discrétion nécessaire pour protéger la dignité et la vie privée de chacun,
  • Interdiction de divulgation d’informations non anonymisées aux parties non impliquées,
  • Ecoute impartiale et traitement équitable de toutes les parties impliquées,
  • Nécessité pour les plaintes d’être étayées par des informations détaillées.

Enfin, le Ministère du travail reprend ces mêmes principes dans son Guide contre le harcèlement sexuel

En définitive, l’enquête doit a minima :

  • être menée discrètement: l’information d’une plainte contre un harceleur présumé ne peut être diffusée, pas plus que le contenu de la plainte et l’identité de la/des victime(s) présumée(s),
  • être impartiale: elle ne peut être menée à charge contre le harceleur présumé qui a le droit, dans les mêmes conditions que la/les victime(s) présumée(s), à solliciter l’audition de témoins ou la prise en compte des éléments justificatifs et détaillés qu’il est susceptible de transmettre,
  • être étayée afin de permettre de déterminer si les faits invoqués sont réels ou non : pour ce faire, il est indispensable d’auditionner des témoins mais également de solliciter la transmission de tout élément objectif et détaillé démontrant le possible harcèlement allégué (emails, messages, témoignages, …).
3. Quelles sont les personnes pouvant être en charge de l’enquête ?

Les personnes en charge de l’enquête interne ne sont pas définies par les textes.

Sur ce point, la Cour de cassation permet à l’employeur une certaine latitude dans le choix de l’enquêteur.

Ainsi, elle a jugé que le fait pour l’employeur de ne pas associer le CSE à l’enquête gérée par le service Ressources Humaines n’impacte pas la valeur probante de celle-ci (Cass. soc. 1er juin 2022, n°20-22.058)

L’enquête interne peut également être confiée à un tiers à l’entreprise sans qu’il ne s’agisse d’un mode de preuve déloyal tombant sous le coup de l’interdiction prévue par l’article L. 1222-4 du Code du travail de collecter des informations concernant personnellement un salarié par un dispositif qui n’aurait pas été porté à sa connaissance au préalable (Cass. soc. 17 mars 2021, n°18-25.597).

La Défenseure des droits recommande (Décision de la Défenseure des Droits du 5 février 2025), quant à elle, que :

  • l’enquête soit menée ou supervisée par au moins deux personnes car la collégialité est une garantie d’objectivité et d’impartialité mais également peut permettre un regard pluridisciplinaire sur la situation (à condition de privilégier le regard juridique),
  • les membres du CSE, s’ils sont associés à l’enquête, puissent participer aux choix méthodologiques à tous les stades de l’enquête,
  • les enquêteurs n’appartiennent pas au service concerné par la plainte pour préserver le principe de neutralité,
  • les enquêteurs, quels qu’ils soient – ou du moins l’un d’entre eux dans le cadre d’une enquête menée par une équipe – détiennent une formation juridique solide et actualisée sur les discriminations et le harcèlement ainsi que sur le principe de l’aménagement de la charge de la preuve applicable devant les juridictions civiles. Des formations au recueil de la parole et aux techniques d’audition devraient également être mises en place pour les enquêteurs.
4. Quelles sont les personnes devant être auditionnées ?

La conduite de l’enquête interne ne doit pas nécessairement impliquer l’audition de l’ensemble des salariés témoins ou intéressés par les faits dénoncés (Cass. soc. 29 juin 2022, n°21-11.437)

Pour autant, l’enquêteur doit être vigilent quant au choix des personnes auditionnées. Ces choix ne doivent ainsi pas traduire une partialité de sa part et permettre tant à la victime présumée qu’à la personne mise en cause de faire valoir sa position.

Selon la Défenseure des droits (Décision de la Défenseure des Droits du 5 février 2025 -recommandation 27), doivent ainsi être auditionnés :

  • la victime présumée,
  • la personne mise en cause et les témoins pertinents, y compris les témoins indirects,
  • les responsables hiérarchiques directs de la victime présumée et de la personne mise en cause,
  • la personne mise en cause devrait être entendue en dernier,
  • les autres témoins potentiels dont l’audition est demandée par la personne mise en cause, sous réserve de l’appréciation de la pertinence par les enquêteurs, étant précisé que le choix des personnes à entendre doit pouvoir être expliqué en cas de recours.

Si la victime présumée ou la personne mise en cause est en arrêt maladie, la Défenseure des droits recommande que l’audition leur soit proposée.

En définitive, si une certaine latitude est laissée aux employeurs pour conduire et mener les enquêtes internes à la suite de dénonciation de faits susceptibles de constituer un harcèlement et/ou une discrimination, il est impératif de mener ces enquêtes avec le plus grand soin dans le respect des principes d’impartialité, de contradictoire et d’objectivité requis. Au regard des risques encourus, ces enquêtes doivent ainsi être menées et/ou confiées à des personnes disposant d’une solide expertise juridique en la matière.

SOCOS Avocats vous accompagne pour sécuriser vos pratiques et réaliser les enquêtes au sein de votre entreprise ensuite de dénonciations de faits de harcèlement moral ou sexuel