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Le télétravail est-il encadré par des conventions juridiques ?

Télétravail : mise en œuvre (partie 2)

Partie 2 : Mise en œuvre du télétravail

Le télétravail répond à des besoins évidents dans le contexte actuel de crise sanitaire.

Avec la pérennisation de cette organisation du travail, plusieurs interrogations surviennent au titre de la mise en œuvre du télétravail dont notamment le suivi de la durée du travail des salariés exerçant leurs fonctions à domicile, la fixation de la rémunération ou encore la prise en charge des frais professionnels.

  • SUIVI DE LA DUREE DU TRAVAIL

Le suivi de la durée du travail doit, par principe, être réalisé, dans les mêmes conditions que le salarié soit placé en situation de télétravail ou non.

Pour autant, si les règles demeurent identiques, leur mise en œuvre est bien évidemment éminemment distincte lorsque l’employeur peut vérifier effectivement le respect des horaires par les salariés présents sur site, contrôle qui s’avère plus délicat de faire lorsque les salariés sont en télétravail.

Il n’est dès lors pas inutile de prévoir, dans le cadre du télétravail, des règles spécifiques permettant de disposer d’éléments probants sur le non-dépassement de ses horaires de travail par le salarié.

Ainsi, si le salarié est soumis aux horaires collectifs applicables au sein de la société, il est procédé à un affichage de l’horaire établi avec mention des heures auxquelles commence et finit chaque période de travail.

Une procédure spécifique devrait être prévue pour que les salariés respectent ces horaires collectifs et, compte tenu de leur absence physique sur site, sollicitent obligatoirement une autorisation préalable et expresse de leur Responsable en cas de dépassement de la durée quotidienne ou hebdomadaire de travail.

Lorsque les salariés d’un atelier, d’un service ou d’une équipe ne travaillent pas selon le même horaire collectif de travail affiché, la durée du travail de chaque salarié concerné est décomptée selon les modalités suivantes :

  • quotidiennement, par enregistrement, selon tous moyens, des heures de début et de fin de chaque période de travail ou par le relevé du nombre d’heures de travail accomplies,
  • chaque semaine, par récapitulation selon tous moyens du nombre d’heures de travail accomplies par chaque salarié.

Dans la majorité des situations, ce décompte sera réalisé sur la base du déclaratif réalisé par le salarié.

Là encore, il conviendrait de pouvoir encadrer ces déclarations en imposant une démarche d’autorisation préalable en cas de dépassement d’une durée quotidienne et hebdomadaire fixée avec demande de justification de cette nécessité de dépassement.

  • FRAIS PROFESSIONNELS

L’ancien article L. 1222-10 du Code du travail disposait, antérieurement à l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, que « l’employeur prend en charge les coûts découlant directement de l’exercice du télétravail, en particulier ceux liés aux matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que les coûts liés à la maintenance de ceux-ci ».

Cette disposition a été supprimée par l’ordonnance précitée.

Cela n’induit toutefois pas que le législateur a entendu mettre un terme à la prise en charge des frais professionnels des salariés en situation de télétravail.

Ainsi, il doit être fait application du principe général selon lequel le salarié ne doit pas supporter des dépenses inhérentes à son emploi, qui découle directement des conditions du travail, qui auraient pour effet de lui imposer une charge supérieure à celles liées à la vie courante.

L’employeur dispose, à ce titre, d’une option.

Il peut ainsi notamment :

  • soit faire bénéficier au salarié d’une indemnité forfaitaire ayant pour objet de couvrir l’intégralité des frais supplémentaires résultant du télétravail,
  • soit rembourser le salarié sur présentation de justificatifs.

S’agissant de l’allocation forfaitaire, l’URSSAF a publié une tolérance sur son site, le 18 décembre 2019, en précisant que :

« Lorsque le salarié en situation de télétravail engage des frais, l’allocation forfaitaire versée par l’employeur sera réputée utilisée conformément à son objet et exonérée de cotisations et contributions sociales dans la limite globale de 10 € par mois, pour un salarié effectuant une journée de télétravail par semaine. (Cette allocation forfaitaire passe à 20 € par mois pour un salarié effectuant deux jours de télétravail par semaine, 30 € par mois pour trois jours par semaine…). »

L’URSSAF a également ajouté, le 29 janvier 2021, que :

« Si l’allocation forfaitaire est prévue par la convention collective de branche, l’accord professionnel ou interprofessionnel ou un accord de groupe, elle est réputée utilisée conformément à son objet et exonérée de cotisations et contributions sociales dans la limite des montants prévus par accord collectif, dès lors que l’allocation est attribuée en fonction du nombre de jours effectivement télétravaillés. »

Ainsi, si l’allocation forfaitaire respecte certaines limites (soit les montants édictés par l’URSSAF, soit les montants fixés dans des accords collectifs), il ne sera pas nécessaire de fournir des justificatifs pour que ladite allocation soit considérée comme utilisée conformément à son objet et, par suite, exonérée de cotisations et contributions sociales.

D’ores et déjà, l’on relèvera qu’à date, l’URSSAF ne vise pas les accords collectifs d’entreprise dans les supports envisageables pour fixer le montant de l’allocation forfaitaire, ce qui, pourrait toutefois ne constituer un oubli de la part de l’organisme.

A date toutefois, et par précaution, la tolérance de l’URSSAF ne concernerait donc pas les accords collectifs d’entreprise.

En outre, ces règles ne résultent aucunement de textes légaux ou règlementaires mais constituent uniquement une tolérance de l’URSSAF mentionnée sur le site internet de cet organisme.

Il convient donc de demeurer vigilant sur le maintien de cette tolérance et son opposabilité à l’organisme en cas de contrôle, même si à ce jour il s’agit de la seule source fixant les modalités forfaitaires de remboursement des frais professionnels liés au télétravail.

S’agissant du remboursement sur la base des dépenses réellement engagées au titre de la situation de télétravail, il est nécessaire de procéder à des calculs précis de celles-ci.

Ainsi, il est évident que l’employeur ne saurait qualifier de frais professionnels la prise en charge intégrale du loyer d’un salarié, et ce même s’il exerce son activité en télétravail.

Il conviendra ainsi, au titre de l’estimation des frais fixes (loyer, taxe d’habitation, charges de copropriété…), de calculer la quote-part des frais fixes réellement supportés au titre du local affecté à un usage professionnel (au prorata de la superficie totale de l’habitation principale).

A titre d’exemple, le salarié loue un appartement de 50 m2 pour 500 € par mois. Il verse également une taxe d’habitation de 35 € par mois et une prime d’assurance de 65 € par mois.

Le bureau affecté à son activité professionnelle est de 10 m2.

Le montant des frais déductibles pouvant être pris en charge, sur une base réelle, s’élèverait à (500 + 35 + 65) x (10 / 50), soit 120 €.

Les frais variables (électricité, chauffage) feront l’objet d’une même évaluation avec calcul de la quote-part des frais variables réellement supportés au titre du local affecté à un usage professionnel.

S’agissant des frais occasionnels, tels que l’achat de cartouches d’encre ou de ramettes de papier, ils pourront faire l’objet d’un remboursement sur présentation des justificatifs.

Enfin, l’achat, par le salarié, de mobiliers dont il restera propriétaire ne peut donner lieu à un remboursement par l’employeur exonéré de charges et contributions sociales qu’à hauteur de 50 %.

  • IMPACT SUR LA REMUNERATION / LES AVANTAGES DU SALARIE

Le salarié doit bénéficier du même traitement que celui réservé aux autres salariés présents sur site.

Ainsi, sur la base du principe « à travail égal, salaire égal », un salarié en situation de télétravail accomplissant le même travail qu’un salarié travaillant sur site devra par principe bénéficier d’une rémunération identique.

Une interrogation se pose toutefois : qu’en est-il de la prise en compte du coût de la vie dans la région dans laquelle se situe le domicile du salarié ?

En effet, si ce dernier est à 100 % en télétravail d’une société parisienne mais est domicilié dans une région dans laquelle le coût de la vie est bien inférieure à celui de ses collègues parisiens ayant choisi de travailler sur site, cette différence indirectement liée au télétravail peut-elle être prise en compte ?

La Cour de cassation avait d’ores et déjà admis, pour des salariés exerçant dans des établissements distincts, que les rémunérations de salariés occupant les mêmes fonctions pouvaient être différentes dès lors qu’ils étaient affectés à l’établissement de Douai ou à celui situé en Ile-de-France se fondant dans ce cadre directement sur le coût de la vie dans ces régions[1].

Une même logique pourrait justifier une différence de situation entre un salarié en télétravail et un salarié sur site.

Nul doute cependant que s’il s’agit d’une question qui surviendra dans les prochains mois, elle pourra conduire à des difficultés pratiques d’application puisque la rémunération du salarié dépendra de son lieu de domicile et pourrait être amenée à évoluer en fonction de celui-ci.

Or, réduire la rémunération du salarié du fait, par exemple, de son déménagement de Paris à Douai supposerait de bénéficier de son accord exprès, lequel pourrait être difficile à obtenir et à comprendre pour le salarié.

Le salarié pourra être amené à percevoir, en sus de sa rémunération, une indemnité d’occupation de son domicile.

Cette indemnité d’occupation est due :

  • si le salarié ne dispose pas d’un local mis à disposition par l’employeur : si le télétravail est un choix du salarié mais que l’employeur disposait d’un bureau pouvant lui être mis à disposition, cette indemnité n’est pas due,
  • si le salarié ne peut exécuter son travail et stocker son matériel qu’à domicile : cela sera le cas par exemple du salarié itinérant qui doit réaliser des tâches administratives à son domicile et ne dispose pas de bureau au sein de l’entreprise notamment pour stocker son matériel[2].

Afin d’éviter un débat en ce domaine, il est utile de rappeler en préambule du contrat de travail les circonstances dans lesquelles le télétravail a été mis en place et, notamment si celui-ci résulte d’une demande du salarié ou est à l’initiative de l’entreprise compte tenu d’un contexte particulier ( absence de bureaux disponibles par exemple).

En effet, la charge de la preuve de la mise à disposition d’un bureau pour le salarié (et, par suite, le fait que le choix du télétravail est à l’initiative du salarié) repose sur l’employeur[3].

L’indemnité d’occupation se cumule avec les frais professionnels résultant du télétravail, sauf mention expresse contraire[4].

L’indemnité d’occupation peut être évaluée par référence au taux d’occupation en termes de temps (nombre de jours travaillés) et d’espace (espace du local par rapport à la taille du domicile)  du domicile à des fins professionnelles.

Toutefois, la limitation de l’évaluation ne sera pas admise si le local est utilisé pour stocker du matériel dès lors que ce stockage n’est pas limité dans le temps.

Lorsque les salariés d’une entreprise bénéficient de titres restaurant, le salarié exerçant son activité en télétravail, doit également bénéficier de cet avantage.

Plus spécifiquement, l’URSSAF indique que dès lors que sa journée est organisée en deux vacations entrecoupées d’une pause réservée à la prise de repas, le salarié doit bénéficier de titres restaurant.


[1] Cass. soc., 14 septembre 2016, n° 15-11.386

[2] Cass. soc., 9 septembre 2020, n° 18-20.487

[3] Cass. soc., 5 avril 2018, n° 16-26.526

[4] Cass. soc. 27 mars 2019 n° 17-21.014

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